Crise de la symbolisation et Idéal du Moi dans la culture postmoderne : essai de psychanalyse pharmakologique
Auteur / Autrice : | Julien Cueille |
Direction : | Jean-Daniel Causse |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Études psychanalytiques |
Date : | Soutenance le 20/10/2018 |
Etablissement(s) : | Montpellier 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale 58, Langues, Littératures, Cultures, Civilisations (Montpellier ; 2015-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : CRISES - Centre de Recherches Interdisciplinaires en Sciences Humaines et Sociales - EA 4424 / CRISES |
Jury : | Président / Présidente : Pascale Macary |
Examinateurs / Examinatrices : Anne Bourgain | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Marie-Jean Sauret, Jean-Michel Besnier |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
Le concept lyotardien de « postmodernité » désigne la crise actuelle, à savoir une crise des « méta-récits » organisateurs de la modernité, et de l’ordre social, épistémique et discursif qui en découle. Face à la tentative hégémonique actuelle de la biomédecine et du cognitivisme, qui proposent un nouveau mythe scientifique, celui du transhumanisme, et font le jeu d’un « bio-pouvoir » accru, une démarche alternative consisterait à faire converger les lectures « déconstructrices » qui, de la psychanalyse à la philosophie en passant par l'anthropologie, font droit à une approche en termes de « pharmakon », c’est-à-dire d’ambivalence du poison et du remède, entre Eros et Thanatos.La recherche des limites est la condition contemporaine de l'« individu incertain », éternel adolescent. On retrouve là la « nouvelle économie psychique » qui fait signe vers une figure clinique nouvelle, celle de l’ « état-limite » qui connaît de multiples avatars et résiste aux classifications.Nombre d’essais sur le « malaise » entremêlent clinique individuelle et spéculations sur la culture, à partir du concept-clé de « désymbolisation ». La carence de Loi et de Père symbolique semble toutefois une explication insuffisante, tout comme la lecture inverse qui pousse à la fuite en avant libertaire. Notre lecture de Lacan refuse de s’inscrire dans ce dualisme Anciens/Modernes, et met l’accent sur la catégorie d’Idéal du Moi et de « trait unaire » qui suggère un nouage du symbolique avec l’imaginaire, loin de les opposer. La symbolisation est donc un processus plus qu’un état, dans lequel le sujet se trouve confronté, dans l’ambivalence, à la question de ses limites. Il doit convertir le Moi idéal en Idéal du Moi.C’est ce à quoi s’emploient les mythes, qui étayent, tels des totems médiateurs, le travail de subjectivation, en engageant les sujets dans un processus identificatoire et « transfictionnel » qui produit des effets créatifs. A notre époque de désenchantement du monde, les mythes disponibles ne sont que de quasi-mythes « évasifs », sur fond de malaise et de mort de Dieu. Mais la littérature populaire, notamment celle qui s’adresse aux adolescents, comme certains récits de vampires, propose des « romans narcissiques », où l’Œdipe passe désormais au second plan. Elle revisite le personnage d’Hamlet.Paradoxalement, les figures des mystiques, adeptes des expériences-limites et imprégnés d’ambivalence, proches de Lacan par leur théologie « négative » de la kénose et leur parole « apophatique », qui cultive la perte, retrouvent également une actualité, ainsi que la figure de l’apôtre Paul, lue par Agamben. Sa christologie du Dieu faible, abaissé, soumis au manque, résonne comme une déconstruction. Elle ouvre à un « temps de la fin », « temps qui reste », qui suspend les identités, désamorce les pouvoirs et rend possible, peut-être, une « promesse » et une « foi » au sens de Derrida, dans une logique ambivalente du sacré où l’idéal voisine avec l’abject.Dès lors, la cure ne devrait-elle pas, en renonçant à une approche trop nosographique et trop centrée sur la castration symbolique, s’attacher à retrouver la trace féconde et vivifiante du trait unaire, c’est-à-dire laisser une place à l’imaginaire ? Ainsi l’analyse jouerait-elle le rôle d’une sorte de « chambre claire » : en laissant affleurer les « mythes ». C’est peut-être au prix du risque, celui de la chute, du « skandalon », que l’on peut espérer que le sujet se déprenne du Moi idéal et de ses pièges pour opérer un autre nouage, jamais prévisible ni assuré d’avance, et toujours au voisinage du « trou » : une nomination, un sinthome.