Thèse soutenue

La figure de Narcisse dans la littérature et la pensée médiévales

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Auteur / Autrice : Magali Romaggi
Direction : Marylène Possamaï-Pérez
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Litterature médiévale
Date : Soutenance le 01/12/2018
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon ; 2007-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Histoire, archéologie, littératures des mondes chrétiens et musulmans médiévaux (Lyon ; 1977-....)
établissement opérateur d'inscriptions : Université Lumière (Lyon ; 1969-....)
Laboratoire : Histoire, Archéologie et littératures des Mondes chrétiens et musulmans médiévaux
Jury : Président / Présidente : Jean-René Valette
Examinateurs / Examinatrices : Stéphane Gioanni, Catherine Croizy-Naquet
Rapporteurs / Rapporteuses : Florence Bouchet, Catherine Gaullier-Bougassas

Résumé

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Les mythes grecs « font signe sans signifier, montrant, dérobant, toujours limpides disant le mystère transparent, le mystère de la transparence1 ». Maurice Blanchot dans cette remarque met en valeur le mystère inhérent à tout mythe. Il en va ainsi pour le mythe de Narcisse qui a connu un succès considérable à l’époque médiévale mais dont il n’est pas aisé de fixer un sens stable. C’est de la version du célèbre poète de l’époque augustéenne, Ovide, que les auteurs médiévaux ont hérité. La richesse de la légende, conférée par les nombreux ajouts d’Ovide, leur a permis de déployer à leur tour de nombreux sens nouveaux.Narcisse est avant tout perçu comme figure amoureuse. Narcisse est l’amant malheureux qui souffre d’une passion si forte qu’il finit par en mourir. L’objet de l’amour de Narcisse est bien souvent tu et oublié dans les reprises médiévales. Peu importe finalement qu’il ait aimé une ombre, l’accent est mis sur l’intensité de son amour et surtout sur ses funestes conséquences. La passion entraîne Narcisse sur le chemin de la mort : mort de l’esprit sous le coup de la folie et mort physique. Narcisse a été un objet de choix pour la poésie de la fin’amor. Troubadours et trouvères ont réélaboré la figure de Narcisse en parfait représentant du fin amant entre les XIIe et XIIIe siècles. Par ailleurs, la figure de Narcisse entretient des liens étroits avec les représentations du mélancolique, issues des théories psychophysiologiques sur l’amour de la philosophie et de la médecine.Le mythe a également inspiré des lectures morales. En effet, tout un pan des reprises du mythe – le pan chrétien – dévoile Narcisse sous les traits d’un pécheur entaché de défauts. L’orgueil dont il fait preuve est dans la conception chrétienne laracine de tous les maux ; ce vice engendre la vanité et l’arrogance. De la fin du XIIe au XIVe siècles, les clercs font de Narcisse l’incarnation parfaite de tous ces défauts. Selon la perspective adoptée la condamnation change légèrement mais l’idée reste lamême : Narcisse est imbu de sa propre personne et en tire une satisfaction trop haute.Enfin l’eau de la source, l’un des motifs essentiels du mythe de Narcisse, a été le point de convergence de plusieurs traditions qui ont fini par s’entremêler dans les œuvres médiévales : le motif biblique de l’eau d’un côté, de l’autre les conceptions néoplatoniciennes sur le reflet et le mythe antique de Narcisse. Un réseau d’images similaires irrigue ces traditions, constitué de l’eau claire, du reflet et de la fontaine. Le ''fons'' antique s’est peu à peu métamorphosé en fontaine médiévale jusqu’à devenir véritable miroir. Le motif du miroir s’autonomise peu à peu par rapport à la surface des eaux. La dimension fantasmatique de l’amour de Narcisse pour son reflet s’amplifie nettement. Se voir soi-même dans un miroir constitue une expérience étrange où l’individu touche au secret de son être. Incapable de l’atteindre réellement, il voit son intimité se dérober à lui, ce qui provoque son désenchantement. Le miroir, véritable porte d’entrée sur le rêve, est un motif idéal pour figurer tous les possibles de l’acte d’écriture. C’est pourquoi certaines reprises médiévales offrent l’utopie d’un amour partagé tandis que d’autres préfèrent peindreles travers de l’être humain. Le miroir enfin se fait métaphore de l’écriture ellemême. La présence de Narcisse se réalise sous des formes plus ou moins implicites dans ces œuvres dont la portée réflexive est actualisée par le motif du miroir.