Les soldats marocains face à la violence : 40 ans d’expérience dans l’Armée française (1914-1954)
Auteur / Autrice : | Aziza Doudou |
Direction : | Paul Gradvohl |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire |
Date : | Soutenance le 16/11/2018 |
Etablissement(s) : | Université de Lorraine |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Humanités Nouvelles - Fernand Braudel (Nancy ; 2013-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre de recherche sur les cultures et les littératures européennes (Nancy) |
Jury : | Président / Présidente : Denis Peschanski |
Examinateurs / Examinatrices : Paul Gradvohl, Richard S. Fogarty, Maureen G. Shanahan, Raymund Schwan | |
Rapporteur / Rapporteuse : Richard S. Fogarty, Maureen G. Shanahan |
Résumé
La confrontation des soldats marocains avec la violence est un phénomène qui s’inscrit dans le temps. Elle a pris des formes multiples alors que les soldats marocains combattaient sous le drapeau français et les questions liées aux traumatismes de guerre sont devenues assez récemment un réel enjeu de société. Or de ce point de vue les soldats marocains sous domination française (protectorat) offrent un terrain d’enquête jusqu’à présent peu traité au Maroc et en France. Pourtant, de 1914 à 1954, ces soldats marocains, notamment très présents en Indochine, ont subi les conséquences de l’expérience de la violence de guerre sur leur psyché. Nous avons cherché à saisir et interpréter leur comportement en insistant sur la période de l’après Deuxième Guerre Mondiale.Pour comprendre les tensions vécues en Indochine par les combattants marocains, il fut nécessaire de situer tout d’abord le combattant dans sa conjoncture socioculturelle et dans la série des expériences militaires vécues avant la guerre d’Indochine (Grande Guerre et la Seconde Guerre mondiale) sur la base des sources d’archives (militaires, diplomatiques, médicales) et de l’évaluation des approches psychiatriques et médicales de l’époque. Pour l’après-1945 le travail est enrichi par une collecte triple (témoignages, récits de vie, et sémiologie post-traumatique) auprès de quelques anciens combattants. Ainsi l’impact psychologique lié à violence de guerre sur quarante ans d’expérience au sein de l’armée d’Afrique (1914-1954) a pu être cerné de façon nouvelle puisqu’une partie des observations permises par la confrontation à des anciens combattants a une portée certaine pour l’époque antérieure à leur engagement.Tout ce qui relève de pathologies psychologiques ou psychiatriques, notamment durant la guerre d’Indochine, a été analysé et a permis de réévaluer les voies suivies par ces soldats, qui vont jusqu’à la désertion et le passage à l’ennemi vietnamien ou encore des coups de folie meurtriers ou suicidaires, et d’éclairer le rapport au politique de ces hommes pris entre des causes qui n’étaient pas les leurs. Pour le cas de l’Indochine, certains d’entre eux ont vécu cette guerre comme l’expérience d’un lieu d’affirmations idéologiques. L’exil du roi Mohamed V les amena parfois à rejoindre la résistance indochinoise. D’autres soldats, faits prisonniers par le Viet-Minh, ont été bouleversés par l’expérience de la captivité.Cette thèse éclaire ainsi le rapport à l’engagement dans l’armée coloniale, le rapport aux violences subies et données, et offre une interprétation des comportements constatés qui montre le fonctionnement discontinu du rapport au religieux, l’impact des traumas sur la capacité de remémoration et de tissage des rapports sociaux après les guerres. Ceci éclaire sous un nouvel angle les sources d’archive disponibles sur ces soldats marocains de l’Armée d’Afrique et la façon dont les violences ont pesé sur eux. Cette recherche amène à penser que la mise à l’écart des dimensions traumatiques — au profit de l’héroïsme le plus souvent — dans les décennies qui ont suivi l’ère du protectorat a produit un effacement qui a faussé en partie la perception de l’histoire vécue par ces combattants