Thèse soutenue

Quelle autonomie pour la recherche ? Analyse épistémologique des conditions de la gouvernance des sciences.

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Baptiste Bedessem
Direction : Stéphanie RuphyVincent Guillin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 13/12/2018
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes (ComUE) en cotutelle avec Université du Québec à Montréal
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de philosophie (Lyon ; Grenoble ; 2007-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST) (Montréal, Canada) - Institut de philosophie de Grenoble
Jury : Président / Présidente : Anouk Barberousse
Examinateurs / Examinatrices : Christophe Malaterre, Frédéric Bouchard, Marc Billaud, Martin Carrier
Rapporteurs / Rapporteuses : Anouk Barberousse, François Claveau

Mots clés

FR  |  
EN

Résumé

FR  |  
EN

L'autonomie du champ scientifique, comprise comme sa capacité à fixer par lui-même sa composition interne, ses normes et ses objets, résulte d'ajustements et de compromis entre deux forces antagonistes : d'un côté, l'inscription du développement scientifique et technique dans un certain contexte social dont il tire ses ressources et qui tend à le mettre sous la dépendance d'objectifs et d'enjeux qui dépassent la seule communauté des chercheurs ; de l'autre, une défense inlassable de l'autonomie scientifique comme nécessité politique et épistémologique, provenant souvent des chercheurs eux-mêmes.Les modifications contemporaines des modes de gouvernance de la recherche scientifique posent dans ce cadre des questions proprement épistémologiques : quel type et quel degré d'autonomie faut-il accorder au champ scientifique d'une part, et aux chercheurs individuels d'autre part, pour optimiser la production des connaissances ? Comment organiser, institutionnaliser l'effort de recherche de manière à ce que la limitation de l'autonomie qui en résulte soit positive sur le plan épistémologique ?Notre thèse adopte ainsi une perspective philosophique sur des questions souvent réservées aux économistes et autres spécialistes du management de la recherche.Tout d'abord, nous proposons une recension des argumentaires élaborés pour défendre l'autonomie de la science et la liberté de recherche comme une nécessité épistémologique. Nous reconstruisons sur cette base deux thèses pro-autonomie qui doivent être prises au sérieux, car leurs critiques classiques échouent à les disqualifier de manière convaincante. La "thèse libérale" pose que la liberté individuelle des chercheurs favorise la productivité épistémique, en motivant la créativité, l'anticonformisme, la diversification des problèmes, questions et objets de recherche. La thèse "anti-utilitariste" distingue une science fondamentale d'une science appliquée en fonction des questions ou des objets étudiés et affirme la supériorité épistémique d'une recherche dédiée à des problèmes exclusivement cognitifs.Nous menons ensuite l'analyse critique de ces deux thèses. Nous abordons en un premier temps la thèse libérale à travers une mise en cause du modèle de la dynamique de la recherche qui la sous-tend. Contre la mise en valeur de la science comme activité exploratoire, nous proposons, justifions et renouvelons la perspective pragmatiste sur l'enquête sur la base d'études de cas et des travaux contemporains liés au practical turn.Nous revenons dans un second temps sur la thèse anti-utilitariste, en critiquant tout d'abord la distinction entre science fondamentale et science appliquée comme introduisantartificiellement une rupture entre les types de pratiques en fonction des objectifs qu'elles s'assignent. Nous proposons de déplacer cette opposition en élaborant une distinction entre des problèmes que nous qualifions d'endogènes, émergeant dans le cours des pratiques scientifiques, et des problèmes exogènes identifiés à l'extérieur du champ scientifique.En prenant l'histoire de la biologie moléculaire comme illustration, nous montrons la perméabilité constitutive du processus de recherche aux problèmes exogènes, nous détaillons certains mécanismes de ces interactions dans le cas des objets complexes, et nous montrons en quoi cette perméabilité est épistémologiquement positive.Enfin, dans un dernier temps, nous prolongeons ces analyses épistémologiques sur le plan pratique, en tentant d'en déduire des conditions de financement qui satisfassent les propriétés de la dynamique de la recherche précédemment dégagées. Contre la sélection trop centralisée des projets sur la base de l'évaluation par les pairs, d'une part, et la différentiation des sources de financement en fonction des objets ou de types de recherche, nous proposons un schéma de financement décentralisé et participatif reflétant la diversité des pratiques et la convergence locale des intérêts.