Les enjeux esthétiques et politiques des métamorphoses de l'œuvre de Jean-Luc Godard
Auteur / Autrice : | Sophie Raimond |
Direction : | Norbert Hillaire |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences de l’information et de la communication |
Date : | Soutenance le 11/10/2018 |
Etablissement(s) : | Université Côte d'Azur (ComUE) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sociétés, humanités, arts et lettres (Nice ; 2016-....) |
Partenaire(s) de recherche : | établissement de préparation : Université de Nice (1965-2019) |
Laboratoire : SIC.Lab Méditerranée (Nice ; 2017-) - Laboratoire de Recherche en Sciences de l'Information et de la Communication | |
Jury : | Président / Présidente : Marie-José Mondzain |
Examinateurs / Examinatrices : Marie-José Mondzain, Jean-Pierre Esquenazi, Anne Beyaert-Geslin, Nicolas Pélissier | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Pierre Esquenazi, Anne Beyaert-Geslin |
Mots clés
Résumé
Cette recherche est située aux frontières de l’Esthétique et Sciences de l’art et des Sciences de l’information et de la communication. Notre hypothèse de départ réside dans la contribution de l’œuvre de Godard à une recherche pluridisciplinaire. Cinéaste, critique, théoricien, vidéaste, archiviste et téléaste, Jean-Luc Godard est l’auteur d’une œuvre métamorphique qui redéfinit radicalement les frontières du cinéma. Condamnant l’ambition hégémonique des technologies actuelles, tout en les absorbant dans une pratique cinématographique expérimentale, Godard développe une pensée en actes filmiques qui n’a pas rompu avec l’actualité. Le montage, au fondement de la création de Godard comme de ses prises de paroles, aménage un espace où la rencontre contrariée de signes discursifs, visuels et sonores, issus aussi bien du vaste champ de la culture littéraire, philosophique, musicale, cinématographique, artistique, classique et moderne que de la production artefactuelle contemporaine, permet de rompre avec nos habitudes spectatorielles. Le montage de Godard interroge le devenir de la communication par l’image et la parole et offre une issue esthétique au règne du visuel. Notre développement s’appuie sur des analyses de discours et de l’image, avec une attention soutenue aux métrages produits par Godard en parallèle et à la suite de la conception des Histoire(s) du cinéma (1988-1998). De manière affirmée depuis les années 1990, la pratique cinématographique de Godard s’est convertie à une écriture essayiste et multimédiatique. Le principe du réemploi étant au fondement même des métrages de Godard, nous avons développé une analyse des fragments et citations du cinéaste, selon une approche comparatiste, qui nous a permis de croiser, dans une ouverture pluridisciplinaire, plusieurs théories de l’image, de l’œuvre d’art et du langage, comme autant de points de vue critiques pour penser les potentialités de communication de la création audiovisuelle. Godard, acteur paradoxal de la fin du cinéma, redéfinit le devoir-être du cinéma dont il s’agit de devoir faire les leçons théoriques, dans un court-circuitage des premières théories du cinéma (Epstein, Faure, de la phénoménologie merleaupontienne et de la pensée deleuzienne. Traditionnellement perçue comme consubstantielle au cinéma, la représentation du réel procède d’une dialectique du visible et de l’invisible, à l’œuvre dans les créations de Godard qui métamorphosent les enjeux esthétiques et politiques de l’image en mouvement. Dans la filiation des penseurs de l’École de Francfort (Adorno, Benjamin) et du poststructuralisme français (Baudrillard, Deleuze, Derrida, Foucault), les propositions esthétiques de Godard déploient une pensée qui redéfinit les conditions de l’émancipation politique et spectatorielle. Le cinéaste amène le spectateur-citoyen à une mise en cause radicale du semblant démocratique et lui propose, dans l’idée même de création et d’amour qui la génère, la possibilité de révéler les contours cachés du réel et de le modifier. Sarajevo, sujet central du cinéma tardif de Godard, permet d’ouvrir notre argumentaire aux possibilités d’action d’un montage éthique et politique pour dénoncer les formes plurielles d’aliénation qui s’établissent dans les politiques de disparition, la médiatisation des conflits et une communication qui agit à plusieurs niveaux. L’ambition de notre démonstration réside dans les possibilités de révolution contenues dans une forme que Godard appelle cinéma ou montage : un art de l’immaîtrisé et une force dissensuelle qui permettent d’interroger les relations entre esthétique et politique, dans le cadre d’une mutation généralisée des signes qui affecte le devenir anthropologique, économique et symbolique des sociétés.