Thèse soutenue

L'égalité des races en science et en philosophie : 1750-1885
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Auteur / Autrice : Antoine Lévêque
Direction : Justin Smith
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie, épistémologie. Épistémologie, histoire des sciences et des techniques
Date : Soutenance le 27/01/2017
Etablissement(s) : Sorbonne Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Savoirs scientifiques : Epistémologie, histoire des sciences, didactique des disciplines (Paris ; 2000-2019)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Sciences philosophie histoire (Paris ; 2009-....)
établissement de préparation : Université Paris Diderot - Paris 7 (1970-2019)
Jury : Président / Présidente : Nacira Guénif Souilamas
Examinateurs / Examinatrices : Justin Smith, Nacira Guénif Souilamas, Magali Bessone, Carole Reynaud-Paligot, Claude-Olivier Doron
Rapporteurs / Rapporteuses : Magali Bessone, Carole Reynaud-Paligot

Mots clés

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Mots clés libres

Résumé

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Ce travail porte sur la période allant de 1750 à 1885 et documente la connexion épistémique entre la prépondérance des théories racistes et les sciences de l’homme, nouvelle forme de connaissance qui émerge et s’institutionnalise au cours de ces années. Nous opérons en identifiant les occurrences du concept d’ « égalitarisme racial » dans les discours savants européens de cette époque et cherchons les différences structurelles entre des discours ayant considéré la race au titre de facteur inopérant dans la partition naturelle des aptitudes intellectuelles entre les individus et ceux, majoritaires, l’ayant considéré au contraire comme facteur opérant à cet égard. L’objectif est de tester la validité une hypothèse selon laquelle ce serait la nouvelle perspective heuristique ouverte par l’histoire naturelle de l’homme dans les années 1750, perspective ensuite renforcée par l’institutionnalisation de l’ethnologie puis de l’anthropologie au 19ème siècle, qui aurait permis aux européens de trouver le moyen légal de se dispenser d’appliquer aux peuples colonisés la norme comportementale égalitaire traditionnellement prescrite par l’enseignement des humanités, norme rendue constitutionnelle lors de la Révolution française. Notre première partie est composée de deux chapitres, traite des années 1750-1802 et montre que cette perspective procède de la formulation de jugements théoriques portant sur les variétés et les races de l’espèce homo-sapiens rendue possible par l’adoption du postulat méthodologique des sciences physiques. Notre deuxième partie comporte trois chapitres et porte sur la période allant de 1802 à 1848. Elle renseigne le fait que ces jugements théoriques ont été formulés de manière systématique quand l’ethnologie est devenue une discipline institutionnelle. Notre troisième partie est composée de deux chapitres, porte sur les années 1848-1885 et se focalise plus spécifiquement sur le discours d’Anténor Firmin, lors de l’apogée institutionnelle de la Société d’Anthropologie de Paris. Nous développons l’idée que l’emprunt de la méthode physiologique propre à l’histoire naturelle a permis d’évaluer la qualité de l’intellect au titre de fonction organique puis suggérons que c’est par ce biais que les phénomènes traditionnellement expliqués par l’histoire civile ont désormais été expliqués par l’histoire naturelle. Enfin, nous identifions ce processus comme instrumental dans la légitimation des pratiques ségrégatives en place dans les colonies en démontrant qu’il a autorisé la théorisation de différences naturelles et essentielles entre les individus d’ascendance européenne et les autres. Notre focalisation sur les quelques auteurs ayant formulé des théories scientifiques relevant de l’égalitarisme racial pointe au fait que leurs systèmes comportent tous une profonde sympathie avec le modèle épistémologique l’ancien système des humanités qui rejette la réduction de l’histoire civile à l’histoire naturelle. Nous montrons que ces auteurs ont en commun commune de conserver une critériologie explicitement politique et morale dans l’évaluation de l’intellect et indiquons que la disparition du concept normatif d’humanité sur le registre savant ainsi que sa substitution par le concept théorique d’espèce humaine correspond chronologiquement à l’époque où la hiérarchie des races est devenue un fait scientifique. Pour nous, l’émergence du système objectivant des sciences de l’homme a engendré un problème épistémologique et politique majeur lié à l’abandon d’un savoir où la notion de nature humaine n’était pas un objet scientifique, où l’expression « race des mortels » avait encore une résonnance épistémologique, et où l’essence commune des individus appartenant à notre espèce résidait dans la possession naturelle et universelle d’aptitudes intellectuelles et de facultés langagières dont le principe était encore souvent expliqué en faisant allusion à des causes immatérielles