Thèse soutenue

« Osu », « baraques » et « batiman » : redessiner les frontières de l'urbain à Soolan (Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane)
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Auteur / Autrice : Clémence Léobal
Direction : Anne GotmanBenoît de L'Estoile
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 08/06/2017
Etablissement(s) : Sorbonne Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences humaines et sociales : cultures, individus, sociétés (Paris ; 1994-2019)
Partenaire(s) de recherche : établissement de préparation : Université Paris Descartes (1970-2019)
Jury : Président / Présidente : Sylvie Tissot
Examinateurs / Examinatrices : Anne Gotman, Benoît de L'Estoile, Sylvie Tissot, Olivia Maria Gomes da Cunha, Alexis Spire, Stéphanie Guyon
Rapporteurs / Rapporteuses : Olivia Maria Gomes da Cunha, Alexis Spire

Résumé

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Cette thèse porte sur la rencontre entre des politiques urbaines françaises et des modes d'habiter de l'Amazonie guyanaise, à Saint-Laurent-du-Maroni, à la frontière avec le Surinam. Cette vie urbaine est menée par des habitants de classes populaires souvent non francophones, confrontés à des normes d'urbanité concrétisées par les démolitions de « bidonvilles » et la construction de logements sociaux. Il s'agit d'analyser les interactions entre les acteurs en jeu dans cette situation postcoloniale impliquant habitants, élus communaux et professionnels de la ville, dans un contexte d'Outre-Mer aux hiérarchies sociales propres, croisant classe, nation, et race. Alliant une perspective historique et ethnographique, ce travail met en lumière les rapports d'habitants originaires de l'amont du Maroni aux administrations et à leurs agents. Ces derniers sont racialisés par le terme 'bakaa', qui renvoie à une blancheur postcoloniale spécifique, associée à l'urbanité, par opposition à une affirmation renouvelée de leur identification en tant que « personnes des pays de la forêt » ('bushikonde sama') - appartenance héritée du passé du marronnage des plantations surinamaises. Mises en lumière par l'ethnographie réalisée à leurs côtés, les démarches quotidiennes des habitants témoignent de leur progressive socialisation institutionnelle, tandis que certains agents des administrations adaptent les politiques publiques et les procédures administratives aux pratiques d'une population racialisée comme « Bushinenguée ». L'analyse passe des logements, catégorie de l'action publique, aux maisons, espaces vécus inscrits dans des configurations de parenté, des mobilités et des modes d'habiter de part et d'autre du Maroni. Les maisons sont appropriées par les habitants de manière dialectique : tout en se conformant aux normes d'urbanité 'bakaa' matérialisées par les logements sociaux, et sanctionnées par les bailleurs, les habitants transforment la ville par leurs modes d'habiter incorporés qui reflètent l'usage stratégique de ressources issues de la maîtrise d'un territoire transfrontalier. Les interactions asymétriques entre habitants et professionnels ont donc des effets sur les modes d'habiter et sur les politiques urbaines. Impliquant plusieurs normes d'urbanité, elles concrétisent leurs différences, constamment réitérées, dans les formes urbaines d'une ville ségréguée. Elles redéfinissent en permanence les frontières des personnes, des maisons, et des lieux.