Thèse soutenue

Facteurs de risque clinique et génétique des tentatives de suicide dans les addictions complexes

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Auteur / Autrice : Romain Icick
Direction : Frank Bellivier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Neurosciences
Date : Soutenance le 27/11/2017
Etablissement(s) : Sorbonne Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Médicament, toxicologie, chimie, imageries (Paris ; 2014-....)
Partenaire(s) de recherche : établissement de préparation : Université Paris Descartes (1970-2019)
Laboratoire : Optimisation thérapeutique en neuropsychopharmacologie (Paris ; 2014-....)
Jury : Président / Présidente : Olivier Cottencin
Examinateurs / Examinatrices : Olivier Cottencin, Henri-Jean Aubin, Mélina Fatseas, Michel Lejoyeux, Chantal Henry
Rapporteurs / Rapporteuses : Henri-Jean Aubin, Mélina Fatseas

Mots clés

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Résumé

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Les troubles liés à l'usage de substances (TUS) sont, dans le monde, aux premiers rangs des maladies en terme de handicap et de coût, selon les études de l'Organisation Mondiale de la Santé. Leur morbi-mortalité est en partie liée aux suicides et tentatives de suicide (TS), phénotypes hétérogènes dont les facteurs de risque cliniques et génétiques de sévérité et récurrence sont quasi-inconnus dans les TUS. Or cette connaissance est cruciale pour mieux identifier les sujets à risque de décès par suicide et améliorer la prévention dans cette population très exposée. Pour répondre à ce besoin, nous avons étudié les associations entre TS et TUS complexes dans quatre cohortes de patients entrés en soins spécialisés soit pour TUS, soit pour trouble bipolaire (TB). Tous ont été caractérisés pour leur histoire clinique (âge de début des troubles, niveaux de symptômes, nombre de rechutes, comorbidité, présence/nombre de TS et caractéristiques de la plus sévère) et environnementale précoce (traumas dans l'enfance, styles parentaux) et tardive (statut marital, niveau scolaire) au moyen d'outils standardisés. Nos hypothèses étaient que (i) la majorité des associations retrouvées dépendraient du type de TS et du genre et (ii) le tabagisme pourrait être un facteur commun aux TS dans ces échantillons. Nos premières études concernaient 95 patients Caucasiens en rémission stable de leur addiction aux opiacés sous méthadone (Icick et al., 2015a & 2015b). Elles ne retrouvaient pas d'association entre la présence d'une TS sur la vie et les fréquences alléliques d'un polymorphisme nucléotidique simple (SNP) des gènes codant respectivement pour: (i) le récepteur opioïde mu de type 1 (OPRM1) et (ii) le récepteur cannabinoïde de type 1 (CNR1) identifiés sur sonde TaqMan®. Ensuite, 433 patients recrutés pour leurs TUS multiples ont été étudiés (Icick et al., 2017). Cela a permis d'affiner nos phénotypes suicidaires d'intérêt, en identifiant les facteurs associés aux TS sévères (létalité potentielle ou constatée médicalement) et aux TS récurrentes, comparés aux TS non sévères ou uniques et à l'absence de TS, simultanément par des analyses bivariées (p=0,025) et de régression (p<0,05), stratifiées sur le genre. Nous avons confirmé l'association significative des TS dans leur ensemble avec le sexe féminin, ce qui n'était pas le cas pour les TS sévères, majoritaires (59%) parmi les 135 suicidants (31%). Deux substances à risque ont émergé: addiction et forte consommation de tabac chez les hommes avec TS non sévères, et addiction aux benzodiazépines avec TS non sévères et récurrentes chez les femmes et TS sévères chez les hommes. Nous avons poursuivi nos explorations dans deux cohortes de 916 et 616 patients consultant pour TB (Lagerberg, Icick et al. 2016, Icick et al. 2017). Chez ces patients, l'exposition forte au tabac était associée aux TS dans leur ensemble (37% et 36% des patients), notamment chez les hommes, tout comme la prise de benzodiazépines. L'addiction au tabac, seul ou associé au cannabis, était associée aux TS récurrentes. D'après nos études, TS sévères et TS récurrentes ne partageaient donc pas les facteurs de risque des TS moins sévères, avec de nettes différences de genre. L'addiction à l'alcool était associée aux TS dans les cohortes "TB" mais pas la cohorte "TUS". Au-delà du caractère rétrospectif des évaluations, de la taille réduite de certains sous-groupes et de critères d'inclusion hétérogènes, nous avons pu identifier des sous-groupes de patients à risque suicidaire, dont les déterminants étaient souvent curables. L'analyse génétique préliminaire de cinq voies biologiques candidates sur puce ADN pangénomique chez 283 patients Caucasiens de la cohorte "TUS" a déjà confirmé l'absence d'association des TS avec CNR1 et OPRM1 et suggéré un lien (p corrigé=0,07) avec un SNP du gène codant pour le récepteur de type 3 (NTRK3) au Brain Derived Neurotrophic factor (BDNF), dans l'attente d'une l'extension à l'ensemble de la cohorte.