Thèse soutenue

Le poète et le parolier : liminaire pour une cantopoésie francophone
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Auteur / Autrice : Sylvie-E. Saliceti
Direction : Jean-Michel Maulpoix
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Littérature française et comparée
Date : Soutenance le 02/03/2017
Etablissement(s) : Sorbonne Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Littérature française et comparée (Paris)
Partenaire(s) de recherche : établissement de préparation : Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris ; 1970-....)
Laboratoire : Théorie et histoire des arts et des littératures de la modernité (Paris)
Jury : Président / Présidente : Catherine Brun
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Michel Maulpoix, Catherine Brun, Benoît Conort, Stéphane Hirschi
Rapporteurs / Rapporteuses : Benoît Conort, Stéphane Hirschi

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Michel Deguy, à l’appui de sa conviction selon laquelle la poésie n’est pas seule, expose dans son traité de poétique une idée à la fois belle et réaliste : « les étoiles sont arrivées ! ».Notre temps connait un risque extrême : celui de l’abandon de l’Idéal, abandon dont les manifestations résident indifféremment dans le discours creux d’une espérance scindée du réel, dans le nihilisme autant que dans les voeux pieux, dans l’indifférence des foules autant que dans les discours de propagande sectaires ou terroristes.Sous ce jour, les étoiles peuvent quelque chose ; les mots de nos jours peuvent encore quelque chose. La poésie se soucie du monde. Mieux : « la poésie n’est pas seule (à s’en soucier) ; elle est la partie « comme-une ». Dans un monde fragmenté qui à son tour fragmente les identités, la poésie est affaire de rapport. « La poésie entre dans un milieu qu’elle ouvre (…) elle est entre ». Dit autrement chez Michaux, la poésie se trouve entre les plis ; la poésie « est vie dans les plis ».Le cantopoème, la ritournelle, le chant dans l’écrit : c’est tout un, et cette unité créée par la musicalité du poème rassemble les brisures. Ce que nous appelons cantopoésie va en réalité au-delà du poème chanté : c’est une aptitude renouée avec la force de vie, le sens, le rêve ; les drames personnels contemporains souvent signent la défaite du symbole collectif : celui de la paix impossible entre les peuples, de la singularité cassée par les discours totalisants.On pense à ce chant d’Hubert Haddad : Hochéa Meintzel, violoniste meurtri par un attentat, ayant perdu ses illusions, part en voyage et quitte tout ce qu’il aime. Lors de son périple, c’est la puissance des légendes communes et la redécouverte des premiers récits de l’histoire qui vont agir sur lui comme le « chant joyeux de la guérison, le chant précieux de la délivrance ».Ce que l’on nomme cantopoème, c’est la réunion du sens avec le « faire » (poiésis), le rétablissement du verbe agissant, propre à s’opposer au risque généralisé du repli, de l’individualisme, bref de l’isolement contemporain. Face à l’aspiration vers le deuil, le découragement voire vers la décadence, le cantopoème propose une réponse ; une littérature d’une forme inédite, qui allie la puissance des récits fondateurs avec les formes contemporaines de la cantologie. Le poème, humble fabrique, ainsi gagne en poïen, il démultiplie sa puissance, celle du verbe porté par le son. C’est insuffisant en soi et pourtant ce n’est pas rien, cette réponse apportée au défi d’aujourd’hui : celui de renouveler la voie/voix de la communauté de solitaires. Le cantopoème est l’une des réponses de la littérature à la menace totalitaire.Preuve en est cette autre assertion de M. Deguy, selon laquelle « la poésie comme l’amour risque tout sur des signes ». Elle est affaire d’échos, de correspondances baudelairiennes.Une observation du poète d’une « Histoire de bleu » va jusqu’à inaugurer le poème comme « le cérémonial de curieuses noces blanches » : « N’est-il pas curieux d’observer, à la suite des surréalistes, le rôle lyriquement opératoire de la rencontre ? Autrui m’ouvre le monde et me livre instantanément les clefs de moi-même. Celui ou celle dont j’ignore tout vient me faire don de mon espace et de ma figure. Autrui me rend visible et lisible à la fois.»Espérance du chant. Dans le chant. Espérance en l’homme, ainsi que le chante Nougaro sur les mots de Musset.Emprunté au jazz, le titre de ce disque d’ailleurs à lui-seul figure — après les notes cendrées de Celan — le sens de la présente recherche doctorale : retrouver « la note bleue ».Nous nous attacherons à arpenter le terrain d’une matière non révélée, en arpentant ses fondements, son état des lieux, ses enjeux en poésie contemporaine.D’une question : se pourrait-il que l’on doive notre besoin de chant au désir de reprendre la parole ?