Thèse soutenue

Valeur de l'eau et indicateurs de performance : tensions stratégiques et organisationnelles dans les métiers de l'eau (1853-2017)

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Auteur / Autrice : Laurent Beduneau-Wang
Direction : Éric Godelier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de gestion
Date : Soutenance le 08/12/2017
Etablissement(s) : Université Paris-Saclay (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de l'Homme et de la société (Sceaux, Hauts-de-Seine ; 2015-2020)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche en gestion (Palaiseau ; 1972-....)
établissement opérateur d'inscription : École polytechnique (Palaiseau, Essonne ; 1795-....)
Jury : Président / Présidente : Jean-Philippe Denis
Examinateurs / Examinatrices : Éric Godelier, Bernard Barraqué, Ann Langley, Denis Chanteur
Rapporteurs / Rapporteuses : Florence Allard-Poesi, Franck Aggeri

Résumé

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A travers une étude de cas élargie, la valeur de l'eau est étudiée sous l'angle de l'évaluation de la gestion de l’eau dans la longue durée (1853-2017). Point de départ : en 2006, le Syndicat des Eau D’Ile de France (SEDIF) remet en cause la continuité contractuelle depuis 1923 avec Veolia (ex-Compagnie Générale des Eaux). Veolia remporte l’appel d’offre en 2010. Une nouvelle entité est créée, Veolia Eau D’Ile de France (VEDIF), mais des interrogations demeurent.A travers une recherche-action, la construction intellectuelle d’une situation de gestion puis celle d’une situation de tension évaluative intègrent le questionnement de Veolia avec celui d’acteurs externes : comment faire des bénéfices et faire bénéficier l’usager ? A quoi sert Veolia ? Quelle est sa raison d’être ? Dans ce cadre, un objet de gestion apparaît structurant : un système de 168 indicateurs de performance (IP). La bonne atteinte des IP par VEDIF contribue à sa rémunération. Dans quelle mesure les IP permettent-ils de donner une valeur à l’eau et de la gérer ?La mise en œuvre des IP induit des effets inattendus qui, pour une partie des salariés génère une crise de sens. L’observation ethnographique et les entretiens amènent à constater que les salariés de l’entreprise méconnaissent ou ont oublié le contexte dans lequel ont émergé les IP, la manière avec laquelle ils ont évolué. Faire l’histoire de ce système d’indicateurs de performance devient alors une nécessité pour en comprendre le sens dans la longue durée (1853-2017).En mettant en place le système d’IP, les managers de VEDIF en attendent des résultats logiques et rationnels. Or, les IP génèrent des effets inattendus. Ils font émerger, ils performent de nouveaux acteurs à 3 niveaux d’analyse : intercommunal avec la création du Syndicat en 1923, de la firme avec la figure du client dans les années 1990 et, du service développement durable avec la découverte de bio-traceurs (papillon, chauve-souris) et l’apparition d’un écosystème d’acteurs autour de la biodiversité (consultants, auditeurs et experts).Un IP naît face à un problème qu’il s’agit de résoudre. Au fur et à mesure, les IP s’accumulent et, certains d’entre eux entrent en contradiction avec d’autres. Or, ils ne prennent sens qu’au sein d’un tout dont l’histoire reste à faire. Au-delà des chiffres, des comptes, pour en saisir le sens, il importe d’en conter l’histoire. En s’inspirant librement de Foucault, la généalogie des IP met en évidence trois régimes de la valeur de l’eau : hygiéniste et scientifique, technique et d’ingénierie, managérial et bureaucratique. Ces régimes ne sont pas exclusifs les uns des autres : le régime hygiéniste et scientifique a coexisté avec le régime technique et d’ingénierie au cours des années 1980-2000. Néanmoins, à chaque période un régime est dominant. Dans le cas de VEDIF, il fonde, renouvelle ou renforce l’idée pour les pouvoirs publics de faire appel aux acteurs privés pour gérer l’eau. Réaliser une généalogie des IP permet de saisir les processus de rationalisation dans lesquels s’inscrivent les catégories d’IP à chaque période. Au regard de la longue durée, les fonctions des IP apparaissent imbriquées dans des processus de rationalisation, d’objectivation de la valeur de l’eau qui les dépassent. Dans quelle mesure cette nouvelle perspective sur les IP permet-elle de reconsidérer leurs rôles ?Ainsi, les IP en tant qu’outil de gestion jouent une triple fonction : cognitive, médiatrice et organisatrice. Ils produisent des savoirs, des connaissances. Ils jouent les intermédiaires entre différents acteurs tout en médiatisant, en visibilisant un pan de l’activité du service de l’eau. Parce qu’ils sont constitutifs et constitués par des liens entre les différents acteurs de la gestion de l’eau, tout en intégrant de nouveaux savoirs, ils définissent et renouvellent en permanence ce qu’est la bonne gestion de l’eau, sa valeur, ses valeurs. Ils produisent l’organisation et, en sont simultanément le produit.