Thèse soutenue

Le consentement sexuel saisi par les institutions pénales : Policiers, médecins légistes et procureurs face aux violences sexuelles

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Océane Perona
Direction : Fabien Jobard
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences politiques
Date : Soutenance le 23/11/2017
Etablissement(s) : Université Paris-Saclay (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de l'Homme et de la société (Sceaux, Hauts-de-Seine ; 2015-2020)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Guyancourt, Yvelines ; 1983-....)
établissement opérateur d'inscription : Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (1991-....)
Jury : Président / Présidente : Michel Bozon
Examinateurs / Examinatrices : Fabien Jobard, Jacques de Maillard, Anne-Cécile Douillet
Rapporteurs / Rapporteuses : Laurie Boussaguet, Marylène Lieber

Résumé

FR  |  
EN

Cette thèse porte sur le traitement pénal des viols et des agressions sexuelles. Attachée au processus de qualification de ces violences sexuelles lors de la phase d’enquête, qui mobilise policiers, médecins légistes et procureurs, la recherche vise à faire la sociologie pénale de la notion de consentement : objet depuis longtemps de réflexions de théorie politique et de théorie du droit, le consentement est ici examiné comme objet vivant de l’enquête de police, de la consultation de médecine légale et de la mise en œuvre des poursuites par le parquet.Une ethnographie de dix mois a été conduite dans un service de police judiciaire d’une grande agglomération. Elle s’est accompagnée de la constitution d’une base de données à partir des dossiers traités par ce service. En parallèle, des entretiens ont été menés avec 18 policiers de trois Brigades des Mineurs, 10 médecins légistes, 10 magistrats du parquet, ainsi que 7 des membres d’une commission préfectorale d’action contre les violences faites aux femmes. Une observation des réunions de la commission a également été réalisée.La thèse montre que l’objectivation du non consentement par les acteurs pénaux emprunte trois voies. La première est celle de la violence et des corps : le non consentement est attesté par les traces laissées par la violence physique sur le corps des victimes. La seconde est relationnelle : la contrainte se déduit de l’analyse la relation entre le mis en cause et la plaignante, celle-ci étant entendue à la fois au sens de la nature du lien entre les parties, mais aussi de leurs positions respectives dans l’espace social. La troisième est celle des émotions : la plaignante doit faire la preuve de sa docilité et de sa souffrance en acceptant toutes les épreuves procédurales demandées par les acteurs pénaux.Ces différentes acceptions du non consentement et, partant, des violences sexuelles, varient suivant les contraintes institutionnelles et les professions des acteurs. Les policiers et les magistrats, qui ont rarement des jugements divergents sur les affaires, enquêtent à charge et décharge, sont plus susceptibles de remettre en cause la parole de la plaignante et sont orientés vers la recherche de la preuve, tandis que les médecins légistes considèrent qu’il ne leur appartient pas d’objectiver l’absence ou la présence d’un consentement. En outre, les féministes de la commission d’action contre les violences faites aux femmes contestent le cadrage policier des violences sexuelles car elles considèrent qu’il impute aux victimes la responsabilité de l’agression.Enfin, le travail de démonstration du consentement est un travail sur et avec des représentations de normes traditionnelles de sexualité. La sexualité des femmes et des adolescentes est située par les policiers et les magistrats dans la sphère de l’amour et des affects, tandis que celle des hommes est renvoyée du côté du besoin et de la pulsion. La thèse souligne l’intérêt des policiers des services étudiés pour la subjectivité féminine, ce qui est singulier dans une institution qui valorise la virilité.