L'ambigüité morale de la fin'amors dans le roman courtois des XIIe-XIIIe siècles
Auteur / Autrice : | Lara Quarti |
Direction : | Claudio Galderisi, Anna Maria Babbi |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Littérature française |
Date : | Soutenance le 16/12/2017 |
Etablissement(s) : | Poitiers en cotutelle avec Université de VERONE |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Lettres, pensée, arts et histoire (Poitiers ; 2009-2018) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'études supérieures de civilisation médiévale (Poitiers ; 1953-....) |
faculte : Université de Poitiers. UFR Langues et Littératures (1970-....) | |
Jury : | Président / Présidente : Jean-Jacques Vincensini |
Examinateurs / Examinatrices : Claudio Galderisi, Anna Maria Babbi | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Jacques Vincensini, Roberta Capelli |
Mots clés
Résumé
La fin'amors, «cet amour courtois si compliqué à vivre et à chanter, cet amour dont la mesure de la sincérité est la qualité de la poésie», qui est exalté et évoqué au débout dans la lyrique des troubadours, a depuis toujours, suscité un vif intérêt de la part de la critique moderne et contemporaine. Le corpus lyrique des troubadours a été à l'origine de la constitution du premier langage érotique et des topoi et motifs de la fin'amor avant qu'ils trouvent un écho et une résonnance dans les autres littératures européennes : au nord de la France, avec les trouvères, dans l'espace germanophone avec les Minnesënger, dans la péninsule Ibérique et en Italie. L'étude que nous avons essayé de construire comme une hypothèse de lecture, de la traslatio amoris, dans les différentes manifestations littéraires françaises des XIIe et XIIIe siècles, notamment à partir de la lyrique courtoise jusqu'au roman en prose, a révélé, nous semble-t-il, qu'un certain nombre de topoi et motifs de la fin'amors, parmi lesquels on peut citer le désir en absentia et les personnages canoniques du lauzengiers et du gelos qui, dans le roman arthurien, trouvent une nouvelle dimension, ont été utilisés par les romanciers qui ont ainsi créé des véritables summae, en faisant de l'amour courtois le cœur et le moteur de la narration : l'axe syntagmatique autour duquel tourne le roman. Ce sont les légendes d'amour de Tristan et Iseut ou de Lancelot et Guenièvre qui offrent la représentation la plus aboutie de la fin'amors : il s'agit de deux histoires de passions totalisantes et adultères avec une dimension et une perspective sociales que l'on peut retrouver dans l'univers des cours de l'époque. L'intérêt remarquable pour les amours illicites des amants se traduit dans l'immense continuation en prose du XIIIe siècle qui assure la circulation de l'histoire tragique des protagonistes dans toute l'Europe médiévale, en faisant de l'amour adultère un mythe de la culture occidentale.Si les histoires d'amour et d'adultère des couples Lancelot-Guenièvre et Tristan-Yseut ont trouvé un terrain fertile dans les grandes continuations en prose du XIIIe siècle, qui reprennent certains thèmes et motifs propres de la fin'amors, il existe, d'ailleurs, une tradition de romans courtois en vers que l'on peut considérer comme une sorte de catégorie hybride, puisqu'ils alternent narration et pièces lyriques ; il s'agit, spécifiquement, des romans «de l'amour troubadour», qui font de la fin'amors le centre focal de toute la narration.Toutefois le choix adopté par les différents écrivains de récits en vers et en prose de développer une narration entière à partir du récit d'une relation adultérine, entraîne une série d‘implications morales et sociales qui semblent refléter, à travers les mots des personnages - même s'il faut se méfier de toute identification automatique et de toute lecture historicisante des textes fictionnels - la pensée des romanciers et de la société de l'époque.Des récits en vers jusqu'aux romans en prose, les amours illicites des couples protagonistes sont remarquablement développés: l'amour courtois ne confère pas seulement une cohésion interne et externe au récit mais, en servant de fil conducteur entre les différents épisodes, il permet aux romanciers de (re)créer nouvelles aventures, en favorisant donc les continuations de ces romans.