Thèse soutenue

De l'automobilité à l'électromobilité : des conservatismes en mouvement ? : la fabrique d'une politique publique rurale entre innovations et résistances

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Auteur / Autrice : Aude Cranois
Direction : Nacima Baron-Yellès
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Aménagement de l'espace, Urbanisme
Date : Soutenance le 11/10/2017
Etablissement(s) : Paris Est
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Ville, Transports et Territoires (Champs-sur-Marne, Seine-et-Marne ; 2015-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Ville, mobilité, transport (Champs-sur-Marne, Seine-et-Marne) - Laboratoire Ville- Mobilité- Transport / LVMT
Jury : Président / Présidente : Laurent Rieutort
Examinateurs / Examinatrices : Nacima Baron-Yellès, Christine Margetic
Rapporteurs / Rapporteuses : Hélène Reigner, Dominique Royoux

Résumé

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Les sociétés rurales sont caractérisées par des modes de vie et de déplacement quotidiens particulièrement dépendants du mode automobile, et la mobilité est, depuis longtemps déjà, un enjeu central des politiques publiques qui leur sont destinées. Les collectivités rurales sont prises dans une tension entre l'injonction à adopter des mobilités plus diversifiées, plus économes, et, en même temps, un climat d'incertitudes et des contraintes politiques et budgétaires qui freinent les choix de rupture. La thèse analyse les conditions d'émergence d'une offre de publique en faveur de l'électromobilité alors qu’une multitude de dispositifs encouragent l'introduction de voitures électriques, de vélos à assistance électrique et de bornes de recharge. Les acteurs ruraux s'en saisissent-ils pour autant ? Et de quelle manière ? La recherche questionne donc les modalités particulières du saisissement des instruments d’incitation liés à l’électromobilité dans les petites collectivités rurales et étudie la manière dont celles-ci acceptent, en la reformulant, cette injonction à la modernité et au changement. L'hypothèse centrale de cette thèse est que l'émergence de l'offre électromobile dans le monde rural fait l'objet d'une construction et d'une mise en forme conjointe, mais loin d'être consensuelle, entre le monde local (usagers, élus, opérateurs privés) et les acteurs extérieurs. En mobilisant une approche pluridisciplinaire, le déploiement très progressif de l’électromobilité est analysé dans le cadre d'une démarche de recherche menée dans la Manche et en Aveyron. Après une contextualisation de l’émergence des politiques électromobiles dans les deux territoires étudiés, la thèse montre comment ce nouveau champ de l'action publique permet aux élus ruraux d'adopter avec prudence et sans renier l'automobilité auxquels ils restent attachés, un nouveau référentiel de mobilité durable. L’électromobilité est une proposition saisie ou détournée, discutée et expérimentée avant d'être éventuellement intégrée à une stratégie territoriale en fonction des ressources et du rôle de l’acteur local. Ensuite, après avoir constaté la très grande diversité des thématiques qui introduisent l'offre politique de l’électromobilité dans les territoires ruraux, la thèse propose une typologie pour mieux comprendre le foisonnement de micro-projets électromobiles et les visées auxquelles est censé répondre du point de vue des élus. L’appropriation de l’électromobilité est engagée via une pragmatique locale par des acteurs à la recherche d’un nouveau modèle d’aménagement rural. Nous montrons, à travers quelques projets de plus grande envergure visant à déployer des bornes de recherche ou des véhicules à hydrogène, que le déploiement électromobile est aussi un objet de pouvoir. Dans deux départements marqués historiquement par la production électrique (l'une d'origine nucléaire, l'autre hydroélectrique) et donc par les proximités historiques de l'industriel et du monde politique local, la thèse montre le saisissement stratégique de l’électromobilité par des acteurs locaux, comme les syndicats départementaux d’énergie. Il s’agit de promouvoir un nouveau modèle économico-énergétique territorial tout en maintenant les proximités politico-industrielles de toujours. L'un des principaux résultats est le constat de l'écart entre l'apparence d'intense renouvellement que relaient les discours et la mise en scène de l'offre politique et le saupoudrage presque anecdotique des projets réels. Ces démarches semblent porter les ferments d’une réinvention économique, territoriale et sociale du monde rural très ambiguë. D'un côté, l'électromobilité est utilisée au profit de stratégies de conservation de rapports de pouvoir, même si certaines formes d'appropriation de l'électromobilité reconfigurent discrètement les cadres de production des politiques publiques d'aménagement rural, débouchant sur une image de la transition mobilitaire rurale plurielle, sinon divergente