Thèse soutenue

A la croisée de l'anthropologie et de la biologie évolutive : diversité génétique et comportements migratoires en Asie intérieure
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Auteur / Autrice : Nina Marchi
Direction : Evelyne HeyerLaure Ségurel
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie génétique
Date : Soutenance le 02/11/2017
Etablissement(s) : Paris, Muséum national d'histoire naturelle
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Éco-Anthropologie et Ethnobiologie (Paris)
Jury : Président / Présidente : Laurent Excoffier
Examinateurs / Examinatrices : Evelyne Heyer, Laure Ségurel, Laurent Excoffier, Emmanuelle Génin, Lluis Quintana-Murci, Stéphane Mazières
Rapporteurs / Rapporteuses : Emmanuelle Génin, Lluis Quintana-Murci

Résumé

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Ma thèse s’intéresse à l’influence des comportements culturels sur la diversité génétique neutre des populations humaines, en particulier les populations d’Asie intérieure. Notamment, ces travaux explorent comment certains comportements affectent l’histoire démographique des populations, en agissant sur l’intensité des migrations et de la dérive génétique. Pour ce faire, j’ai étudié des données génétiques, au regard de données ethnologiques, collectées dans des populations habitant actuellement en Asie intérieure, qui diffèrent, entre autres, par leur organisation sociale. La première partie de cette thèse cherche à retracer l’histoire du peuplement de l’Asie intérieure, de l’âge du Bronze jusqu’à nos jours à partir données génomiques d’ADN moderne et ancien. Les résultats montrent que les populations actuelles forment deux groupes génétiques distincts correspondant à deux groupes linguistiques (Turco-Mongol et Indo-Iranien) et reflétant des composantes ancestrales contrastées. En étudiant la diversité génétique de marqueurs uniparentaux, j’ai montré des différences génétiques sexe-spécifiques telles qu’une différenciation des populations réduite pour l’ADN mitochondrial par rapport à celle du chromosome Y. Cette homogénéité génétique des populations pourrait être causée par de la patrilocalité, une règle de résidence commune à toutes les populations étudiées et entrainant principalement des migrations féminines entre populations. D’autre part, j’ai observé des différences de diversité génétique entre les groupes d’Asie intérieure pour le chromosome Y, que j’ai interprété à la lumière des différences de règles de filiation suivies par ces deux groupes : l’un des groupes est patrilinéaire, c’est-à-dire que la filiation sociale est héritée du père ; l’autre groupe est cognatique, et la transmission est indifférenciée entre les parents. La patrilinéarité conduirait à la formation de noyaux d’hommes apparentés par la lignée masculine dans la population et donc partageant le même chromosome Y, ce qui réduirait la diversité génétique du chromosome Y des populations patrilinéaires, comparées aux cognatiques. La diversité mitochondriale est, par contre, similaire entre patrilinéaires et cognatiques, illustrant le fait que seule la diversité génétique masculine est affectée par la patrilinéarité. Enfin, pour étudier le processus d’ethnogénèse, j’ai calculé l’âge génétique des groupes ethniques patrilinéaires et j’ai montré que cet âge biologique est plus ancien que les âges historiques, suggérant que l’ethnie, du moins chez les Turco-Mongols d’Asie intérieure, est une construction en partie sociale, plutôt qu’une entité entièrement biologique. Dans la troisième partie, je me suis intéressée aux mécanismes d’évitement de la consanguinité, que j’ai estimée au moyen de données génomiques. J’ai notamment testé l’hypothèse selon laquelle des unions exogames, entre conjoints nés dans des villages différents, permettraient de réduire la consanguinité. Malgré une importante variabilité du taux d’exogamie entre populations et entre groupes linguistiques dans notre jeu de données, je n’ai trouvé aucune différence significative de consanguinité. A l’échelle des individus, j’ai pu mettre en évidence le fait que certains descendants de couples exogames sont néanmoins consanguins. Cette situation est particulièrement répandue pour des conjoints nés à moins de 40 km l’un de l’autre, à tel point que leurs descendants sont statistiquement plus consanguins que les descendants de couples endogames. Ces résultats illustrent que, chez l’Homme, des comportements culturels d’alliance peuvent s’opposer aux attendus de la biologie évolutive. Ainsi, mes travaux illustrent plusieurs cas de figure, à des échelles géographiques et temporelles différentes, où des comportements culturels ont modifié et laissé une signature génétique particulière sur la diversité des populations humaines d’Asie intérieure.