Vers une réévaluation des facteurs limitant la production biologique dans les cours d’eau de tête de bassin versant : nutriments, acides gras ou qualité du carbone détritique ?
Auteur / Autrice : | Clément Crenier |
Direction : | François Guérold, Michaël Danger |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Écotoxicologie, biodiversité, écosystèmes |
Date : | Soutenance le 11/12/2017 |
Etablissement(s) : | Université de Lorraine |
Ecole(s) doctorale(s) : | RP2E - Ecole Doctorale Sciences et Ingénierie des Ressources, Procédés, Produits, Environnement |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire Interdisciplinaire des Environnements Continentaux (Vandoeuvre-lès-Nancy) |
Jury : | Président / Présidente : Eric Chauvet |
Examinateurs / Examinatrices : Christian Desvilettes, Virginie Baldy, Elisabeth M. Gross | |
Rapporteur / Rapporteuse : Christian Desvilettes, Virginie Baldy |
Résumé
Les cours d’eau de tête de bassin versant, malgré leurs tailles réduites, jouent des rôles importants pour le fonctionnement des milieux situés en aval, et rendent de nombreux services écologiques. Depuis l’émergence du River Continuum Concept, le fonctionnement de ces cours d’eau est considéré comme reposant principalement sur les apports allochtones de matière organique détritique par opposition aux écosystèmes aval de plus grande taille dans lesquels la production primaire autochtone est considérée comme prépondérante. Bien que les détritus soient, par définition, des ressources de moindre qualité pour leurs consommateurs que les végétaux vivants, le rôle des facteurs qui limitent la production biologique et les processus fonctionnels dans ces écosystèmes détritiques reste encore peu exploré. Par exemple la carence en éléments minéraux essentiels (notamment en azote et en phosphore) dans les détritus peut limiter le développement des organismes vivants dans les cours d’eau. De ce fait, la disponibilité en éléments minéraux dans la colonne d’eau, en stimulant la croissance, l’activité des décomposeurs et la qualité élémentaire des ressources par le processus d’immobilisation microbienne, pourrait contrôler pour partie les processus écologiques en jeu dans ces écosystèmes. En étudiant in situ la réponse des communautés microbiennes aux nutriments le long d’un gradient d’occupation des sols, nos travaux ont mis en évidence un effet positif des éléments dissous (N et P) sur la décomposition des litières et les activités enzymatiques des décomposeurs, et ce même pour les niveaux en nutriments les plus élevés du gradient, pour lesquels des effets inverses étaient attendus. Indépendamment, dans des cours d’eau anciennement soumis à de forts dépôts acidifiants, nous avons pu observer une récupération du processus de décomposition des litières. Néanmoins, cette restauration s’accompagnant d’un appauvrissement marqué en N, des perturbations du fonctionnement de ces cours d’eau pourrait se manifester à terme. Le rôle de la production primaire dans les cours d’eau de tête de bassin versant a ensuite été questionné. En effet, bien qu’étant mineur quantitativement, l’apport de carbone de forte qualité pourrait jouer un rôle non négligeable sur le fonctionnement des cours d’eau de tête de bassin versant. En particulier, l’importance et le rôle des apports en acides gras polyinsaturés (AGPI) via les biofilms phototrophes ont été questionnés. En se basant sur un suivi de terrain sur 15 cours d’eau des Vosges le long d’un gradient d’acidification, nos recherches ont tout d’abord pu mettre en évidence la présence de biofilms diatomiques riches en AGPI, malgré le caractère très forestier de ces cours d’eau. Dans un second temps, une expérience en conditions contrôlées a permis d’observer le rôle positif des apports, mêmes faibles, de ressources diatomiques sur la croissance et la survie du crustacé amphipode Gammarus fossarum. Sans cet apport, ces organismes se sont avérés incapables de maintenir leurs niveaux internes d’AGPI, suggérant qu’une consommation de producteurs primaires autochtones était indispensable à ces organismes détritivores. Nos résultats ont ainsi pu mettre en évidence les rôles fondamentaux que peuvent jouer la disponibilité en éléments dissous (N et P) et la qualité du carbone dans les ressources sur la production biologique et sur le processus de décomposition des litières dans les cours d’eau de tête de bassin versant. Ces résultats appellent désormais à investiguer plus profondément les interactions entre ces deux facteurs limitants, et à comprendre dans quels contextes l’un des facteurs pourrait suppléer l’autre. En particulier, il sera intéressant de rechercher comment diverses perturbations anthropiques (xénobiotiques, réchauffement climatique etc…) pourraient affecter l’intensité ou la nature de ces limitations