Le projet transmoderne dans les itinérances récréatives : un processus créatif intégratif de construction identitaire
Auteur / Autrice : | Chiara Kirschner |
Direction : | Jean Corneloup |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Géographie |
Date : | Soutenance le 28/06/2017 |
Etablissement(s) : | Université Grenoble Alpes (ComUE) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Pacte, laboratoire de sciences sociales (Grenoble, Isère, France) |
Jury : | Président / Présidente : Olivier Sirost |
Examinateurs / Examinatrices : Jean Corneloup, Anne-Laure Amilhat-Szary, Philippe Bourdeau | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Isabelle Lefort, Bernard Andrieu |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Ce travail s’intéresse à la transmodernité des pratiques récréatives. Pour cela, il propose une analyse de la conduite de projet de l'itinérance. Il s'agit d'une pratique récréative dont l'itinéraire n'est pas complètement figée à l'avance, pouvant durer quelques heures ou quelques mois, dans un environnement partiellement ou exclusivement montagnard, à l'aide de moyens de progression non motorisés, sans le support d'une agence de voyages. L'approche par le projet mobilise, entre autres, la motivation personnelle du pratiquant, en relation avec son identité et son projet de vie. L'itinérance est considérée comme une pratique existentielle qui construit l'identité du pratiquant à travers la gestion de l'incertitude, l'invitant à la créativité. Le pratiquant n'est pas toujours seul dans cette tâche de gestion de l'incertitude, et peut décider d'entrer en relation avec les habitants des zones traversées. L'itinérance l'invite alors à adopter une éthique relationnelle. La créativité, notamment intégrative, et l'éthique relationnelle, peuvent être mises en relations avec le concept de transmodernité de Dussel (1994): l'intégration de la raison de l'Autre.La première partie de ce travail identifie les ressources conceptuelles et méthodologiques, dans le cadre d'un paradigme individuel et interprétatif. L'hypothèse d'une habitation créative intégrative qui serait au cœur de l'itinérance transmoderne émerge grâce à une déconstruction de l'approche moderne du projet (Boutinet, 2012), fondé sur la logique d'anticipation par rapport à la réalisation d'un objectif, et de l'approche postmoderne de celui-ci, fondée sur la fragmentation des objectifs et la perte de sens global. La démarche-projet transmoderne de l'itinérance serait une démarche créative d'intégration de l'altérité, et de redéfinition d'un objectif existentiel au fur et à mesure de l'avancement dans la réalisation du projet. Cette pratique s'avère une voie d'individuation (Martuccelli, 2005) qui s'appuie sur un maillage (Ingold, 2011a) avec tout l'environnement traversé : physique, matériel, humain, évènementiel. Ce maillage mobilise un corps écologique (Andrieu & Sirost, 2014) et créatif. Le paradigme individuel est ainsi élargi à une pluralité de ressources cognitives et comportementales. La seconde partie de la thèse restitue le travail de terrain auprès d'itinérants. Les données qualitatives ainsi recueillies sont organisées en deux grands mouvements. L'un concerne la dimension chronologique du projet d'itinérance, depuis la période avant de partir, l'émergence d'une première idée, la réalisation du projet jusqu'au retour. L'autre concerne la démarche-projet, fondée sur le rapport à l'imprévu, le rapport au corps et le rapport à l'environnement physique et humain. Le plan du projet d'itinérance apparaît comme une matrice socio-praxique qui facilite une démarche-projet créative intégrative de l'altérité corporelle, naturelle et relationnelle. Si la plupart des éléments de la matrice sont activés, l'itinérant adopte une démarche-projet intégrative, et finit par réaliser un objectif existentiel en ayant aligné les différentes dimensions de son existence : matérielle, affective, géographique professionnelle.... Cet objectif est ensuite traduit en un nouveau bien commun : action politique, humanitaire, œuvre artistique, ... Les éléments de la matrice concernent l'habitation de l'itinérance, dans sa dimension ordinaire de résolution des contraintes et problèmes du quotidien (que l'on laisse et que l'on reconstruit pendant le voyage), ainsi que dans sa dimension de progression d'une étape à l'autre, jusqu'à la réintégration du milieu de vie habituel. Les conclusions proposent d'envisager l'itinérance comme un laboratoire sociorécréatif en puissance. Dans le milieu récréatif de l'itinérance, le pratiquant peut apprendre l'éthique relationnelle, véritable capabilité (Flipo, 2005) de l'itinérance, et, au retour, il peut apporter une contribution singulière à son milieu de vie.