Blastocystis spp., de l'épidémiologie à la physiopathologie. Quel lien avec le syndrome de l'intestin irritable ?
Auteur / Autrice : | Céline Nourrisson |
Direction : | Frédéric Delbac, Valérie Livrelli |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences de la vie et de la santé |
Date : | Soutenance le 28/11/2017 |
Etablissement(s) : | Université Clermont Auvergne (2017-2020) |
Ecole(s) doctorale(s) : | ED 65 Sciences de la vie, santé, agronomie, environnement |
Partenaire(s) de recherche : | Equipe de recherche : Laboratoire Microorganismes : Génomes et Environnement (LMGE) |
Laboratoire : Laboratoire Microorganismes : Génome et Environnement / LMGE | |
Jury : | Président / Présidente : Marie-Laure Dardé |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
Le protozoaire anaérobie Blastocystis spp. est le parasite le plus fréquemment identifié dans les selles humaines, quelle que soit la région du monde considérée, même si peu de données sont disponibles en France. Par ailleurs, ces chiffres varient grandement selon les techniques de diagnostic utilisées. Son caractère pathogène est controversé car, dans la majorité des cas, Blastocystis spp. est isolé chez des patients asymptomatiques. Néanmoins, (i) l’analyse des données génomiques de Blastocystis sp. montre que le parasite code pour un nombre important de protéases sécrétées, facteurs de virulence connus chez d’autres parasites ; (ii) plusieurs études de prévalence suggèrent une association avec le Syndrome de l’Intestin Irritable (SII), une colopathie chronique fonctionnelle caractérisée notamment par une dysbiose et une augmentation de la perméabilité paracellulaire. Au cours de nos travaux, nous avons complété les données épidémiologiques du parasite au travers d’une étude multicentrique en France et au Liban, en utilisant une technique de détection par biologie moléculaire. Ainsi, en France, la prévalence globale atteint 18,1% avec des chiffres significativement plus élevés en été, le sous-type 3 (ST3) est majoritaire (43,3% des cas). La notion de voyage dans l’année précédente apparaît comme un facteur de risque de contamination. La prévalence libanaise est de 63%, avec également une prédominance du ST3 (46,3%). Nous nous sommes ensuite intéressés au lien potentiel entre Blastocystis spp. et le SII. Nous avons montré que le risque d’être infecté par Blastocystis spp. était deux fois élevé chez les sujets atteints de SII comparativement à des sujets non-SII. Nous avons observé une dysbiose chez les individus porteurs de Blastocystis sp., qu’ils soient atteints de SII ou non, avec une diminution significative de bactéries considérées comme « bénéfiques », les bifidobactéries et Faecalibacterium prausnitzii, bactérie aux propriétés anti-inflammatoires. Compte tenu de ces modifications du microbiote intestinal et du manque de recul, Blastocystis spp. fait partie des microorganismes à rechercher chez un donneur avant transplantation de microbiote fécal. Dans cette optique, nous avons comparé 3 techniques de diagnotic par PCR en temps réel décrites dans la littérature ainsi que la trousse SeegeneTM (Eurobio), sur une cohorte de 140 individus et montré des différences de performances entre ces outils. Afin de mieux comprendre les impacts du parasite sur l’équilibre intestinal, nous avons développé des approches in vitro et in vivo. Nous avons mis en évidence in vitro une augmentation de la perméabilité para-cellulaire sous l’effet de 2 protéases à cystéine parasitaires sécrétées, fonctionnant en tandem, une légumaïne et une cathepsine B. Nous avons ensuite mis au point un modèle animal d’infection chronique par Blastocsytis sp. chez le rat. Nous avons procédé par gavage oral de kystes purifiés issus de selles humaines. Des immunomarquages réalisés sur des colons de rats infectés ont montré que Blastocystis sp. est capable de pénétrer dans la couche de mucus. Nous avons également pu observer par microscopie électronique que le parasite pouvait adhérer aux cellules épithéliales. Afin de standardiser ce modèle animal, nous avons travaillé sur la forme kystique du parasite, qui est la forme infectieuse. Nous avons caractérisé les kystes en mettant en évidence la présence de 1 à 4 noyaux et une paroi riche en chitine et D-mannose. Ces caractéristiques nous permettront de valider les formes obtenues par enkystement in vitro à partir de parasites en culture axénique. Nos résultats suggèrent donc un impact possible de Blastocystis spp. en santé humaine (patients colopathes, receveurs de transplantation de microbiote fécal, simple sujet porteur) et ouvrent de nouvelles pistes pour l’exploration de sa pathogénie et de son lien avec le SII.