Acteurs locaux et acteurs internationaux dans la construction de l’Etat. : Une approche interactionniste du cas du Kosovo
Auteur / Autrice : | Ardijan Sainovic |
Direction : | Daniel C. Bach |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Science politique |
Date : | Soutenance le 24/11/2017 |
Etablissement(s) : | Bordeaux |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sociétés, politique, santé publique (Talence, Gironde ; 2011-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Equipe de recherche : Centre Émile Durkheim - Science politique et sociologie comparatives (Pessac, Gironde) - Institut d'études politiques de Bordeaux (Pessac, Gironde) |
Jury : | Président / Présidente : Brigitte Vassort-Rousset |
Examinateurs / Examinatrices : Brigitte Vassort-Rousset, Franck Petiteville, Nathalie Duclos, Philippe Claret, Gilles Bertrand | |
Rapporteur / Rapporteuse : Franck Petiteville, Nathalie Duclos |
Résumé
Comment les intervenants internationaux peuvent-ils (re)construire des institutions légitimes après un conflit intra-étatique ? En d’autres termes, quels facteurs déterminent le résultat du statebuilding post-conflit ? D’un côté, l’approche dominante, dite « technique », soutient que des ressources significatives (financières, humaines, politiques) permettent aux intervenants internationaux de construire les institutions voulues. Au Kosovo, les acteurs internationaux ont établi une administration internationale dotée de pouvoirs exécutifs et des ressources étendues et maintenues tout au long du processus. Or, le bilan du statebuilding est mitigé. D’un autre côté, le paradigme de la « paix libérale » affirme que la libéralisation (politique et économique) contribue au résultat limité des opérations post-conflit car elle est mal appliquée, illégitime voir dangereuse pour les sociétés sortant de conflits violents. Cette approche néglige aussi bien les facteurs internes que les variations dans les intentions internationales et se base, comme l’approche technique, sur un postulat implicite (erroné) de l’asymétrie porteuse de rapports de pouvoir qui favoriseraient les intervenants internationaux. En conséquence, ces approches ignorent la manière dont les acteurs locaux peuvent résister aux normes et objectifs internationaux.Pour expliquer les variations du résultat du statebuilding international, nous proposons un modèle théorique alternatif en modélisant une approche multicausale et séquentielle d’un jeu à deux niveaux. Notre thèse est la suivante. Les variations dans l’issue du statebuilding sont fonction des interactions stratégiques, elles-mêmes déterminées par les changements dans les préférences et les relations de puissance entre les intervenants internationaux et les élites politiques locales. Le statebuilding est étudié comme un processus interactif, mettant en relation potentiellement trois acteurs clés qui dominent le paysage politique post-conflit. Dans ces conditions, le statebuilding est un succès uniquement si les réformes internationales ne menacent pas le pouvoir politique des élites locales – pouvoir qui s’appuie sur deux piliers, le nationalisme et les pratiques informelles – et que les acteurs internationaux ont mobilisé suffisamment de ressources pour amener les élites locales à adopter et appliquer les réformes désirées.Or, le cas du Kosovo montre que les préférences des acteurs ne s’alignent que très rarement. Le statebuilding international a été instrumentalisé et miné par les préférences divergentes et contradictoires entre les principaux acteurs clés. Les acteurs internationaux ont voulu créer un Etat démocratique et multinational, mais ont privilégié la stabilité car ils ont été confrontés à des élites politiques locales – kosovar-albanaises et kosovar-serbes – préoccupées par le pouvoir et la domination de leur groupe sur autrui et par le maintien du leadership à l’intérieur de leur propre groupe. Entraînant ainsi une multiplication des autorités et à une fragmentation de la légitimité : deux systèmes politiques et sociaux persistent et empêchent la cohésion et le caractère multinational de l’Etat. L’intervention de l’UE a permis de changer le jeu en contribuant à apaiser la situation sur le terrain. Mais des tensions persistent, confortant le compromis.