Thèse soutenue

L’innovation prédatrice sur les marchés des nouvelles technologies : analyses croisées en droit européen et nord-américain de la concurrence

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Auteur / Autrice : Thibault Schrepel
Direction : Marie Malaurie-VignalSpencer Weber Waller
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences juridiques
Date : Soutenance le 12/12/2016
Etablissement(s) : Université Paris-Saclay (ComUE) en cotutelle avec Loyola university (Chicago, Ill.)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de l'Homme et de la société (Sceaux, Hauts-de-Seine ; 2015-2020)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire du droit des affaires et des nouvelles technologies (Guyancourt, Yvelines)
établissement opérateur d'inscription : Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (1991-....)
Jury : Président / Présidente : Hélène Aubry
Rapporteurs / Rapporteuses : David Bosco, Nicolas Petit

Résumé

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L’innovation est une variable souvent discutée en droit de la concurrence. L’innovation prédatrice l’est beaucoup moins. Peut-être est-ce dû au fait que les termes sont euphémiques : l’innovation est généralement conçue comme étant prédatrice par nature dans la mesure où son objectif est la création ou l’amélioration d’une chose existante dans le but qu’elle surpasse la chose d’un tiers. Peut-être est-ce parce qu’étudier l’innovation et ses mécanismes est un exercice souvent décrit comme étant complexe. Peut-être est-ce parce que le développement rapide des marchés liés aux nouvelles technologies s’est accompagné d’un courant doctrinal, en Europe comme aux États-Unis, qui prône la nécessité de retirer le droit de la concurrence de cette matière. Peut-être, enfin, est-ce parce que les décisions de justice n’ont que trop peu utilisé ce vocable d’innovation prédatrice, ce qui a conduit la doctrine à n’y consacrer que peu d’études, limitant d’autant plus son utilisation par les juridictions et autorités de concurrence.Reconnaître un régime à l’innovation prédatrice est pourtant l’une des nécessités de ce début de 21ème siècle en terme de droit de la concurrence. Les pratiques qui s’y rattachent surviennent régulièrement et visent à supprimer la compatibilité des technologies d’un tiers avec celles d’une entreprise dominante ou à altérer le fonctionnement de technologies concurrentes. Le droit de la concurrence doit y apporter une réponse. L’enjeu est considérable, mais il n’en demeure pas moins que le concept d’innovation prédatrice – que nous définissons comme l’altération d’un ou plusieurs éléments techniques d’un produit afin de restreindre ou éliminer la concurrence – est aujourd’hui ignoré ou mal compris du plus grand nombre.Les règles ainsi imaginées doivent être communes à plusieurs systèmes juridiques dans la mesure où les pratiques d’innovation prédatrice sont généralement mises en œuvre sur plusieurs continents à la fois. Notre étude prend le parti d’analyser les droits européen et nord-américain de la concurrence parce que leurs racines sont homologues et parce que les pays concernés justifient du PIB le plus élevé au monde.Le régime que nous exposons s’articule autour de deux étapes principales. Il s’agit pour commencer de rejeter toutes les règles per se en la matière, parce qu’elles ne répondent pas aux défis nouveaux du droit de la concurrence. Seule l’application d’une règle de raison structurée organisée autour de trois filtres permet le prononcé de décisions adaptées dans chaque cas d’espèce tout en éliminant les demandes pour lesquels aucun risque concurrentiel n’est envisagé.Un test amélioré de l’absence de justification économique doit ensuite être mis en œuvre pour toutes les pratiques qui ont un effet anti-concurrentiel au moins possible sur le plan théorique – celles qui ont passé les filtres – et qui méritent donc d’être analysées. Ce test, qui permet de ne condamner que les seules pratiques anti-concurrentielles, autorise par conséquent l’élimination des erreurs de type I et II. Il participe également d’une simplification d’un droit de la concurrence devenu parfois illisible. Une nouvelle étude – sur la base du test proposé – des plus grandes affaires européennes et nord-américaines en matière d’innovation prédatrice permet d’illustrer son efficacité.Il nous est enfin apparu nécessaire de traiter de la question de la sanction – ou remèdes – des pratiques d’innovation prédatrice. Il ressort de notre étude que le respect du choix stratégique de l’entreprise en matière d’interopérabilité doit être reconnu comme un principe immuable. Également, les modes alternatifs de sanction ne doivent pas être systématisés et le développement de la « soft law » doit prendre une direction nouvelle qui soit davantage centrée sur l’accompagnement des entreprises très innovantes.