Thèse soutenue

Effets d’État. Les juges des enfants, les tribunaux de la charia et la lutte pour la famille libanaise.

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Auteur / Autrice : Samer Ghamroun
Direction : Jacques Commaille
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences politiques
Date : Soutenance le 23/06/2016
Etablissement(s) : Université Paris-Saclay (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de l'Homme et de la société (Sceaux, Hauts-de-Seine ; 2015-2020)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut des sciences sociales du politique (Nanterre ; 2006-....) - Institut des Sciences sociales du Politique / ISP
établissement opérateur d'inscription : École normale supérieure Paris-Saclay (Gif-sur-Yvette, Essonne ; 1912-....)
Jury : Président / Présidente : Benoit Bastard
Examinateurs / Examinatrices : Jacques Commaille, Benoit Bastard, Daniela Piana, Ramona Coman, Anne Revillard, Myriam Catusse
Rapporteurs / Rapporteuses : Daniela Piana, Ramona Coman

Résumé

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Malgré un format institutionnel classique, l’État libanais ne présente pas certaines propriétés par lesquelles la sociologie politique caractérise le pouvoir étatique. Il figure ainsi régulièrement dans la liste des États faibles. Ce travail de recherche remet en question la pertinence de cette qualification en s'inscrivant dans une démarche de sociologie politique du droit et de la justice, appliquée à la justice civile des mineurs ainsi qu’à la justice de la charia. Il documente l’activation à partir de 2002 des juges des enfants sur un terrain libanais où le droit de la famille est pluriel, et où plusieurs droits religieux sont mis en œuvre par plusieurs systèmes juridictionnels religieux, en l’absence d’un droit civil commun. Cette thèse mobilise la notion d’“épreuve d’État” pour étudier un conflit public, de 2007 à 2010, entre ces juges des enfants et les tribunaux sunnites de la charia autour de la protection de l’enfant en danger. Ce conflit, quoique clôturé en 2010 par un recul des ambitions des juges civils, produit des effets au-delà des arènes juridictionnelles, sur des mobilisations de femmes qui tentent avec un certain succès de modifier en leur faveur le droit religieux sunnite de la famille. Ces effets d’État ne passent pas par les éléments traditionnels recherchés par la sociologie de l’État et de l’action publique : des budgets, une bureaucratie, des règles centrales obligatoires. Il s’agit ici de formes originales d’étatisation par concurrence entre tribunaux autour de l’enfant et de la famille libanaise. L’enquête ouvre ainsi la boite noire de l’État réputé faible à travers l’épreuve du conflit interjuridictionnel, pour s’attarder sur les formes et les effets de la présence de l’État là où il est supposé être absent. Au lieu de chercher le changement dans les droits rigides de la famille uniquement à travers une politique publique sécularisante du centre civil, cette démarche permet de suivre et de mieux comprendre les bouleversements à l’intérieur même des normativités religieuses et de leurs droits supposés immobiles. Le rapport entre l’État et la communauté religieuse n’est plus un jeu à somme nulle, les droits religieux de la famille montrent une certaine réactivité face aux mobilisations des droits par le bas, et l’État libanais acquiert une effectivité que ne lui reconnaissent pas les récits récurrents de sa faiblesse.