Mesurer la parole en ligne : traces, dispositifs et régimes de l'opinion sur le web
Auteur / Autrice : | Baptiste Kotras |
Direction : | Patrice Flichy |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 09/12/2016 |
Etablissement(s) : | Paris Est |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Organisations, marchés, institutions (Créteil ; 2010-) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (Noisy-le-Grand, Seine-Saint-Denis) |
Jury : | Président / Présidente : Loïc Blondiaux |
Examinateurs / Examinatrices : Patrice Flichy, Sylvain Parasie, Dominique Cardon | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Cécile Méadel, Alexandre Mallard |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
“Know what people think”. Ce slogan, affiché sur la page d’accueil du site de l’entreprise britannique Brandwatch, résume à lui seul la promesse de l’industrie nouvelle associée à l’étude des opinions sur le web : savoir enfin ce que les gens pensent, et cela sans même avoir besoin de le leur demander. Un ensemble d’agences, de start-ups et d’éditeurs de logiciels propose en effet depuis le milieu des années 2000 de connaître les opinions du grand public à partir des millions de publications quotidiennes sur le web social : tweets, billets de blogs, messages sur les forums ou encore commentaires de la presse en ligne. Ces données massivement disponibles sont ainsi investies par des acteurs et des instruments extrêmement variés pour mesurer aussi bien la réputation des grandes marques et entreprises, que les réactions à une campagne publicitaire ou un débat télévisé, ou encore des pratiques de consommation émergentes ; tous ont en commun de s’intéresser pour cela aux opinions non sollicitées des internautes. Cette démarche rencontre par ailleurs un succès considérable depuis plusieurs années : en 2015, soit dix ans après la création des premières entreprises dans ce domaine, l’industrie des logiciels de social media analysis générait 2,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires selon le cabinet Markets and Markets, qui prévoit par ailleurs la croissance de ce marché jusqu’à 17,9 milliards de dollars en 2019. À distance du positivisme qui entoure ces technologies comme d’une critique constructiviste extérieure à son objet, cette thèse cherche à décrire l’émergence de médiations d’un nouveau type qui se saisissent des traces conversationnelles du web social pour la mesure de l’opinion, et renouvellent ainsi le contenu épistémologique et politique de cette catégorie. Partant de l’hypothèse d’une pluralité des formes de l’opinion et des dispositifs qui la mesurent, nous suivons ainsi un ensemble extrêmement varié de modélisations, construites par des start-ups et entreprises innovantes. Nous nous intéressons ainsi dans un premier temps les tentatives de redéfinition de la notion de représentativité par l’échantillonnage de publics mobilisés et influents. Dans un second temps, nous étudions le modèle qui semble l’emporter sur ce marché, fondé sur des logiciels visant l’indexation exhaustive et continue des traces de la conversation en ligne. Mesurant l’opinion comme un flux continu d’événements singuliers, ces instruments rompent définitivement avec l’idée de représentativité et réactualisent une grammaire de l’opinion comme activité collective et discursive, attentive aux dynamiques médiatiques et relationnelles de la discussion en ligne. Ce régime indiciel de connaissance des opinions délaisse donc la quantification des majorités et des minorités pour la mesure des mobilisations et des mouvements de l’opinion.