De la cécité empathique transitoire à la prudence dans les soins. Au sujet de la contention lors des soins en pédiatrie
Auteur / Autrice : | Bénédicte Lombart |
Direction : | Éric Fiat |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Philosophie pratique |
Date : | Soutenance le 02/02/2016 |
Etablissement(s) : | Paris Est |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Organisations, marchés, institutions (Créteil ; 2010-) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire Interdisciplinaire d'étude du Politique Hannah Arendt (Créteil) - Laboratoire Interdisciplinaire d'Etude du Politique Hannah Arendt Paris-Est / LIPHA |
Jury : | Président / Présidente : Pierre Magnard |
Examinateurs / Examinatrices : Éric Fiat, Michel Galinski, Cynthia Fleury, Christophe Pacific, Sylvie Thoron, Bertrand Quentin | |
Rapporteur / Rapporteuse : Antoine Bioy |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
Cette thèse interroge l’usage de la contention forte lors des soins en pédiatrie. Cette problématique soulève des questions philosophiques et éthiques qui s’inscrivent dans des pratiques quotidiennes de soins. Pourtant cette pratique, à laquelle se confronte fréquemment les soignants est relativement peu interrogée, voire banalisée.En effet, l’enfant effrayé ou douloureux peut se débattre et s’agiter au décours du soin et il arrive que plusieurs adultes le maintiennent pour poursuivre le geste. Un rapport de force s’installe alors entre soignants et enfant. Dans certains cas, la contrainte physique de l’enfant lors du soin s’apparente littéralement à de la violence. Le passage de l’usage légitime de la force à la violence illégitime n’est pas systématiquement identifié.Par ailleurs le fait de contraindre l’enfant de force confronte l’infirmier à un paradoxe : celui de faire mal à l’enfant pour son bien. Cela complique la perception de l’illégitimité de certaines contentions.Difficile voire impossible de renoncer à faire le soin et pourtant regrettable d’user de la contention forte à l’encontre d’un enfant malade. Une étude qualitative ancillaire à la réflexion philosophique été menée auprès de soignants de pédiatrie. L’objectif était d’interroger cette question du point de vue des soignants pour comprendre comment l’usage de la contention lors d’un soin en pédiatrie pouvait se transformer en un usage illégitime de la force. Les résultats de cette étude ont montré que la contention était une pratique laborieuse, source de malaise mais le plus souvent vécue comme inévitable et influencée par les habitudes de l’équipe d’appartenance. (Ces résultats sont en annexe de la thèse) Le « bien de l’enfant » justifiait le recours à la force. On assistait à une hiérarchisation déontologique où la réalisation du geste technique subordonne le respect du rythme de l’enfant. L’analyse de la parole des soignants a mis en évidence : empathie et attention des soignants à l’égard de l’enfant mais à l’évocation de la contention l’enfant disparaissait du discours. Un peu comme si l’enfant disparaissait du « radar émotionnel » du soignant, le temps de la contention. Le concept de « cécité empathique transitoire » a été proposé pour caractériser le phénomène qui se produit lors d’une contention forte.La thèse explore les raisons qui conduisent les adultes qui soignent à disqualifier le refus de l’enfant en proposant une forme de réhabilitation de la parole de celui-ci. Le travail s’organise autour de développement des regards et des points de vue qui tantôt masquent tantôt rendent visibles une partie de la réalité : celle de l’enfant et celle du soignant. Les soignants sont tels les prisonniers de la caverne, otages de leurs illusions. L’espoir de maitriser l’inconstance de l’existence par la grâce de la biotechnologie semble les contraindre à sacrifier leur propre subjectivité. L’arraisonnement de l’enfant mais aussi du soignant à la technique est au cœur du débat qui émerge de la réflexion. Au fil du travail, émerge l’idée d’un entre-deux des différences, qui pourrait être un nouvel espace conceptuel où les différences entre l’enfant et les soignants se rassemblent dans l’espace de la contingence. Cet entre-deux ouvre sur de nouveaux possibles, invite à devenir prudent. La prudence aristotélicienne comme disposition pratique apporte de nouvelles perspectives à cette problématique. L’invitation à la délibération dans les soins ouvre sur une proposition concrète de déploiement de la notion de care appliquée plus spécifiquement au champ de la pédiatrie.