Thèse soutenue

Une sociologie comparative et historique de la sécularisation : formation de l'état républicain en France (1875-1905) et en Turquie (1908-1938)

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Auteur / Autrice : Efe Peker
Direction : Patrick WeilGary Teeple
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire. Sociologie
Date : Soutenance le 11/03/2016
Etablissement(s) : Paris 1 en cotutelle avec Simon Fraser university (Burnaby, Canada)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale d'Histoire de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (Paris ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'histoire sociale des mondes contemporains (Aubervilliers, Seine-Saint-Denis ; 2000-....)
Jury : Président / Présidente : Gerardo Otero
Examinateurs / Examinatrices : Patrick Weil, Gary Teeple, Gerardo Otero, Gilles Dorronsoro
Rapporteurs / Rapporteuses : Rita Hermon-Belot, Philip S. Gorski

Résumé

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Cette thèse propose un examen comparatif et historique de la sécularisation macrosociale en France (1875-1905) et en Turquie (1908-1938), avec une attention particulière portée sur leurs expériences de formation de l’état républicain. Mettant en rapport les littératures sur la théorie de la sécularisation (sociologie de la religion) et la formation de l’état (sociologie historique comparative), l’objet de ce travail est de contribuer à « historiciser le débat de la sécularisation » en examinant les « conflits socio-politiques » engagés dans son développement (Gorski, 2003b, 2005). Les ouvrages existants en la matière interprètent souvent la sécularisation d’un point de vue volontariste (soulignant les idéologies / croyances des dirigeants et des individus) ou déterministe (anticipant les sentiers civilisationnels ou modernistes). Afin de surmonter la dualité, cette étude fournit une approche comparative et historique qui étudie la sécularisation comme un processus dialectique, non-linéaire, et inégal, qui est déterminé par des luttes sociopolitiques et des transformations structurelles. À la différence de beaucoup d’autres états nationaux, pour quelles raisons est-ce que la France et la Turquie convergent à accentuer la laïcité et le laiklik comme un principe central, fondé sur une forme forte de « séparation » et de « régulation » de la religion ? Qu’est-ce qui explique leur divergence, en d’autres termes, pourquoi est-ce que la « séparation » est plus dominante dans la laïcité française, alors que la « régulation » est plus importante dans le laiklik turc ? Basée sur des sources archivistiques et bibliographiques, mon analyse propose d’expliquer la convergence et divergence de ces deux pays par l’interaction des variables « extra-religieuse » et « religieuse ». La première prend en compte des luttes de classes et la formation interne / externe de l'état souverain. La seconde explore la configuration doctrinale / institutionnelle des religions dominantes, et la situation des minorités religieuses. Soulignant l’interaction de ces variables « extra-religieuse » et « religieuse », la thèse propose un cadre analytique pour contribuer à la compréhension scientifique de la sécularisation sociale au-delà des cas français et turc. Les histoires très controversées de la France et de la Turquie montrent que la sécularisation n’est pas seulement un conflit de visions idéelles. La sécularisation est aussi une stratégie de formation de l’état, opérationnalisé par la combinaison de la « séparation » et de la « régulation ». Dans la lutte contre les concurrents sociopolitiques religieusement affiliés et légitimés, ces deux stratégies sont utilisées par les républicains afin de mettre en place la « différenciation », « sociétalisation », et « rationalisation » (Wallis & Bruce, 1992). La stratégie de séparation « différencie » (et transfère à l'état) diverses fonctions sociales précédemment assumées par « l’autorité religieuse » (Chaves, 1994). En même temps, les anciennes prérogatives de ce dernier sont placées sous la régulation des institutions bureaucratiques-laïques qui sont organisées de façon « sociétale » et « rationnelle ». En ce sens, la sécularisation est intimement liée à la consolidation du pouvoir infrastructurel de l'état souverain (Mann, 1984 ; Soifer, 2008) dans les sphères « juridico-institutionnelle », « socio-éducative », « symbolique idéologique », et « redistributive ». La France et la Turquie permettent donc une comparaison interreligieuse et interrégionale dans le but de cristalliser les forces et les mécanismes nationaux et extranationaux qui influencent les flux et reflux dans le processus de sécularisation.