Thèse soutenue

F. A. Hayek et Herbert A. Simon : la contribution de deux approches par la complexité à l'élaboration d'un corps de connaissances et d'outils utiles dans l'analyse et la prévention des "poly-crises" alimentaires. L'exemple de la crise alimentaire de 2007-2008

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Jean-Marc Desbois
Direction : Jean-Yves Moisseron
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Économie
Date : Soutenance le 24/11/2016
Etablissement(s) : Paris 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale d'Économie (Paris ; 2004-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Unité mixte de recherche Développement et sociétés (Nogent-sur-Marne, Val-de-Marne ; 2008-....)
Jury : Président / Présidente : François Facchini
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Yves Moisseron, Ahmed Silem
Rapporteurs / Rapporteuses : Sylvain Zeghni, Myriam Donsimoni

Résumé

FR  |  
EN

Entre avril et juin 2008, le prix des commodités (blé, maïs, riz) a atteint un niveau impressionnant, mais pas exceptionnel. Les populations de 48 pays ont été affectées par une sévère sous-alimentation. La plupart d’entre eux avait déjà été affaiblie par des conflits et des catastrophes naturelles inhabituelles et dramatiques. Ces facteurs ont souvent interagi pour aggraver la situation. Pourtant, si la crise de 2007-2008 a été un «problème extraordinaire», c’est aussi parce que la connaissance scientifique «normale» a échoué face à la complexité de la «poly-crises» alimentaire (Morin, 2011). En réponse, nous avons conçu un cadre épistémologique, méthodologique, et technique, à partir de deux approches face à la complexité, celles de Hayek (1899-1992) et de Simon (1916-2001), avec un objectif, satisfaire au critère de cumulativité, un reproche traditionnellement adressé à ce type d’approche. Ce travail a produit deux enseignements. Premièrement, les fondements épistémologiques de la production de la connaissance en économie doivent être révisés en environnement complexe et incertain: 1) du certain/de l’objectif vers l’incertain/le subjectif; 2) de la prédiction exacte vers la conception; 3) de la causalité linéaire inappropriée, ou pire, menaçant la liberté individuelle, vers une causalité complexe. Deuxièmement, dans le processus d’adaptation, le rôle de la production et du partage de la connaissance «tacite» est central. Pour cette raison, le problème économique n’est plus un problème d’allocation des ressources. Il est de savoir comment des êtres humains aux capacités cognitives «limitées» computent et socialisent (Nonaka et alii, 1994, 2001) la connaissance et l’information disponibles, mais dispersées, pour la convertir en heuristiques ou patterns favorisant l’adaptation. Deux autres hypothèses les renforcent : 1) les dynamiques du changement s’enracinent «dans la pensée et la créativité des gens impliqués dans des situations complexes et dans leur capacité à restructurer leurs propres modèles d’interactions», (Ostrom, 2011) ; 2) l’altruisme réciproque (Simon, 1992, 1993) est un comportement rationnel qui peut être plus efficient dans les interactions sociales en environnement complexe que le comportement maximisateur ou égoïste. Ces résultats ont été synthétisés dans une interface que nous avons créée et qui a pris la forme d’une boucle de la connaissance à deux allèles, une pour la connaissance générique, l’autre, pour la tacite, qui, par récursion, produisent une méta-connaissance. Cette interface est à la fois ouverte et fermée et reflète ainsi la position défendue par Hayek et Simon pour qui la science économique est une «science frontière». Une part de la recherche est consacrée à la création d’outils, par exemple à un indicateur de perception de la contribution des facteurs au déclenchement et/ou à l’aggravation de la crise, à partir : 1) des allocutions des 138 Chefs d’État et de Gouvernement présents à la Conférence de Haut Niveau sur la Sécurité alimentaire mondiale (3-5 juin 2008) ; 2) des analyses des économistes, 3) des témoignages des gens qui ont subi la sous-nutrition ou la hausse des prix des denrées alimentaires (database IRIN). Nous proposons également une typologie actualisée des policy-mix mis en œuvre par 18 pays divisés en 3 groupes : des pays en développement, pour la plupart importateurs nets, sévèrement touchés par la crise et qui ont connu des «émeutes de la faim» (Égypte, Tunisie, Cameroun, Côte d’Ivoire, Sénégal, Mauritanie, Haïti, Bangladesh) ; des pays Membres du groupe de Cairns ayant connu soit des «émeutes de la faim», soit des désordres sociaux (Indonésie, Philippines, Thaïlande, Afrique du Sud) ; enfin, des pays ayant adopté des restrictions et/ou prohibitions aux exportations (Chine, Inde, Indonésie, Égypte, Cambodge, Ukraine, Vietnam) [...].