Thèse soutenue

L'illusion heroïque : Rodrigue et la représentation du héros tragique dans le premier XVIIe siècle

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Auteur / Autrice : Claire Aronica
Direction : Olivier Leplatre
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Langue et littérature françaises
Date : Soutenance le 16/09/2016
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : établissement opérateur de soutenance : Université Jean Moulin (Lyon ; 1973-....)
Jury : Président / Présidente : Emmanuel Bury
Examinateurs / Examinatrices : Emmanuel Bury, Agnès Guiderdoni-Bruslé, Myriam Dufour-Maître, Luc Fraisse
Rapporteurs / Rapporteuses : Emmanuel Bury, Agnès Guiderdoni-Bruslé

Résumé

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Le point de départ de ce travail réside d’une part dans la découverte d’une différence considérable de nature entre le héros du Cid et les protagonistes du théâtre contemporain ; et d’autre part sur l’intuition que l’analyse littéraire utilise presque exclusivement Rodrigue comme personnage représentatif du premier XVIIe siècle. Notre première démarche a été de chercher à confirmer ces impressions en démontrant le statut particulier de ce personnage. Nous avons étudié la réception du Cid et de son héros au fil des siècles dans cette optique, jugeant que les réactions des spectateurs, des lecteurs et des critiques construisaient progressivement notre image actuelle de Rodrigue. Nous avons cherché à voir comment depuis janvier 1637 jusqu’au début du XXIe siècle la pièce et son héros ont été accueillis. Nous avons ainsi établi la longévité du texte, ainsi que les exceptionnelles réactions d’engouement qu’il a pu rencontrer. Cela nous a permis d’établir la mythification de la pièce et de dégager sa portée universelle. Ces premières conclusions nous ont invité à rechercher les causes d’un tel succès. C’est à nouveau l’étude de la réception qui nous a permis de découvrir que cette unanimité tenait essentiellement au personnage de Rodrigue. C’est lui qui semble d’abord retenir l’intérêt des lecteurs et des spectateurs. Nous avons donc cherché dans une deuxième partie à comprendre ce qui fascinait tant en Rodrigue. Pour cette raison, nous l’avons confronté à l’idée de héros. La coïncidence saisissante que les réactions publiques révèlent entre ce personnage archétypal et le protagoniste du Cid nous a permis d’aboutir à un premier stade de compréhension : la pièce est accueillie avec enthousiasme au XVIIe siècle parce que son personnage principal actualise l’idéal humain tel que l’époque se le représente. Cependant, l’engouement des siècles suivants repose sur le même motif : c’est parce que Rodrigue incarne le héros du XVIIe siècle que le spectateur du siècle des Lumières, du Romantisme, de la Troisième République ou de l’entre-deux-guerres l’apprécie. Le protagoniste du Cid apparaît comme un héros révéré mais regretté car appartenant à une époque révolue. Au sein de l’œuvre de Corneille, il est également envisagé comme un paradigme héroïque et incarne le modèle dont tous les personnages masculins du théâtre cornélien ne seraient que la déclinaison. Il est l’élément fondateur du mythe du « héros cornélien ». Cependant, l’unanimité de réception face à Rodrigue pose question : Le Cid a-t-il réellement eu une place à part sur le théâtre du premier XVIIe siècle ? À l’ouverture de notre troisième partie, une brève étude de ce théâtre permet de révéler l’écart entre l’image de Rodrigue façonnée par la réception et la réalité dramaturgique des années 1630-1650. La tragi-comédie de Corneille n’est pas la seule pièce à connaître le succès et son héros n’est pas l’unique incarnation sur scène de l’homme tel qu’on se le représente alors. De nombreux autres dramaturges connaissent de réelles réussites. Toutefois, la réception critique les oublie. L’histoire littéraire semble ne vouloir retenir que Corneille pour la postérité. Elle impose Le Cid comme pièce modèle ; mais, se faisant, elle fausse l’appréciation que nous nous faisons du théâtre et des mentalités du XVIIe siècle. Nombre de théories critiques se sont en effet élaborées sur l’idée d’un premier XVIIe siècle glorieux à l’image de Rodrigue et d’une seconde moitié de siècle déclinante et sombre. C’est le cas de Paul Bénichou et de sa « démolition du héros ». Mais peut-on en garantir la véracité si elles reposent pour affirmer la grandeur des premières décennies du siècle sur le seul exemple de Rodrigue ? Une relecture de la littérature de cette période permet pour finir de revenir sur des conceptions altérées notamment par l’éclat du succès incomparable du Cid et d’envisager le premier XVIIe siècle sous une autre lumière.