Où va la jeunesse ? Mouvements et quête alimentaire des juvéniles de procellariiformes durant leur première année en mer
Auteur / Autrice : | Sophie Jeudi de Grissac |
Direction : | Henri Weimerskirch |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Biologie de l'environnement, des populations, écologie |
Date : | Soutenance le 11/10/2016 |
Etablissement(s) : | La Rochelle |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences pour l'environnement Gay Lussac (La Rochelle ; 2009-2018) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'études biologiques de Chizé - CEBC |
Jury : | Président / Présidente : Vincent Ridoux |
Examinateurs / Examinatrices : Henri Weimerskirch, Vincent Ridoux, Thierry Boulinier, Matthieu Le Corre, Luca Börger, Francis Daunt | |
Rapporteur / Rapporteuse : Thierry Boulinier, Matthieu Le Corre |
Mots clés
Résumé
Le stade juvénile chez les animaux demeure souvent une période mystérieuse aux yeux des scientifiques. La survie juvénile est pourtant un facteur déterminant du futur des populations. Les animaux juvéniles sont connus pour leur mortalité importante durant les premiers mois après l’indépendance et leur taux de survie augmente avec l’âge. La théorie suppose d’une part que les juvéniles ont des capacités de survie moindres que celles des adultes. Ils seraient peu efficaces dans leur recherche de nourriture et auraient besoin d’une période d’apprentissage pour être capables de supporter les couts associés à la reproduction. De plus, des facteurs proximaux telles que les fluctuations environnementales et la compétition affectent également la survie des juvéniles. Des études sur les oiseaux terrestres, ont permis d’obtenir de nombreuses informations grâce à la possibilité de faire des observations directes et récemment des études télémétriques. Cependant collecter des données en milieu marin s’avère compliqué, en particulier lorsque l’on s’intéresse aux juvéniles. Les oiseaux marins longévifs ont en commun la longue durée de leur période d’immaturité (jusqu’à plus de 10 ans). Les jeunes, à l’indépendance, se dispersent seuls en mer durant plusieurs années, ne revenant à terre que pour se reproduire une fois adulte. Ainsi, les suivre durant leurs premiers mois afin de comprendre leurs comportements et leur écologie alimentaire constitue un véritable défi. Dans ce contexte, cette thèse a pour objectif d’élucider au moins en partie le mystère de la vie juvénile des oiseaux marins. Grâce à des technologies bio-télémétriques nous avons pu suivre par satellite un large panel de juvéniles de neuf espèces proches d’albatros et pétrels (procellariiformes) se reproduisant dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises de l’Océan Austral : les îles Crozet, Kerguelen et Amsterdam. Les trajectoires ont été analysées grâce à différentes méthodes statistiques permettant de décrire les mouvements, le comportement alimentaire et les répartitions spatiales des jeunes après leur envol, le tout en lien avec les conditions environnementales. Les résultats obtenus sont discutés à la lumière de la comparaison avec les adultes des mêmes espèces. Grâce à ce jeu de données j’ai étudié les stratégies de dispersion des jeunes inexpérimentés qui quittent le nid. J’ai montré que ces stratégies ainsi que la proportion d’inné les contrôlant sont très variables selon les espèces et suivent ou non celles des parents selon les espèces. Le taux de variabilité dans les stratégies juvéniles peut refléter leur potentielle plasticité et leur capacité à répondre à des changements de l’environnement et in fine affecter la dynamique des populations. Par ailleurs, l’analyse de trajectoires de juvéniles de grand albatros a révélé qu’en plus de leurs capacités innées ils apprennent très rapidement les compétences de base requises pour survivre en mer puis optimiser leur recherche alimentaire. Cependant des différences perdurent par rapport aux adultes, suggérant que d’autres comportements non-observables (via nos données) nécessitent une période d’apprentissage plus longue. Enfin, quelle que soit la stratégie adoptée, elle semble en partie contrainte par la compétition intraspécifique avec les individus plus âgés puisque les juvéniles limitent celle-ci via une ségrégation spatiale. Ce dernier point souligne le besoin de prendre en compte la répartition spatio-temporelle âge-dépendante des espèces lorsque l’on veut mettre en œuvre des mesures de protection pour ces espèces. Ces travaux apportent de nouvelles connaissances sur plusieurs des aspects majeurs de l’écologie en mer d’individus inexpérimentés cherchant leur nourriture seuls dans un environnement hautement imprévisible. Nous apprenons ici comment de l’instinct et de l’expérience découlent des stratégies de vie juvéniles qui permettent aux oiseaux de survivre dans un environnement inconnu.