Thèse soutenue

Political ecology des engrillagements de Sologne - Tentative de défragmentation du paysage écologique, politique et disciplinaire
FR  |  
EN
Accès à la thèse
Auteur / Autrice : Marie Baltzinger
Direction : Marc DeconchatAnders Marell
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Agrosystèmes, Écosystèmes et Environnement
Date : Soutenance le 23/03/2016
Etablissement(s) : Toulouse, INPT
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences écologiques, vétérinaires, agronomiques et bioingénieries (Toulouse)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Dynamiques et écologie des paysages agriforestiers (Castanet-Tolosan, Haute-Garonne ; 2003-....)
Jury : Président / Présidente : Raphaël Mathevet
Examinateurs / Examinatrices : Marc Deconchat, Anders Marell, Anne-Caroline Prévot-Julliard, Isabelle Mauz, Juliet Fall
Rapporteurs / Rapporteuses : Anne-Caroline Prévot-Julliard, Isabelle Mauz

Résumé

FR  |  
EN

Quoi de plus naturel qu’une clôture ? Parmi les images d’Epinal qui nous viennent spontanément à l’esprit, le bocage avec ses haies bien ordonnées, évoque une relation apaisée, rationnelle, arcadienne avec une nature nourricière et bienveillante. Pourtant, la prolifération des clôtures en milieu rural depuis un siècle a suscité la curiosité de nombreux chercheurs dans des disciplines variées. Qu’il s’agisse de protéger la nature de dégradations engendrées par les populations humaines - dans le cas d’espaces protégés -, ou à l’inverse de protéger les humains contre des dangers « naturels » - comme dans le cas de la prévention routière, ces clôtures semblent répondre à une nécessité absolue de ségrégation spatiale entre les hommes et la nature : Quoi de moins naturel qu’une clôture ? Vu sous cet angle, le conflit politico-environnemental engendré par la propagation récente des engrillagements forestiers en Sologne reflète assez bien l’ambiguïté de nos perceptions vis-à-vis du caractère naturel ou non de ces clôtures. La Sologne est une région naturelle Française couvrant près de 500 000 hectares délimitée au nord par la vallée de la Loire et au sud par la vallée du Cher. Fruit d’une occupation humaine attestée depuis le XIe siècle, conjuguée à des contraintes écologiques spécifiques, le paysage Solognot est aujourd’hui caractérisé par son couvert boisé important (environ 50% de la surface) et ses populations importantes de grand gibier, qui entretiennent la longue réputation cynégétique de cette région ; la propriété privée y est largement majoritaire (plus de 90% de la surface forestière). En 2012, une agitation médiatique (film, articles de presse, sites internet) cristallisent un conflit environnemental latente, faisant intervenir des éléments écologiques – les effets supposés bénéfiques ou néfastes de ces engrillagements sur la grande faune, mais aussi politiques – la nécessité de réglementer les engrillagements, et culturels - la sauvegarde du « paysage Solognot ». Afin d’analyser ce conflit, une approche interdisciplinaire de type Political Ecology a été menée, mêlant travail d’enquête auprès de la population et étude du fonctionnement écologique des espaces engrillagés. Ces travaux ont montré que les engrillagements modifient la répartition spatiale des cerfs. La recherche d’effets cascades sur les oiseaux forestiers - résultants des surdensités locales de cerfs en espace engrillagé - n’a cependant pas mis en évidence d’effet négatif. A partir des enquêtes, il apparaît que le conflit est pluridimensionnel et que l’aspect écologique – bien réel – ne suffit pas à lui seul pour comprendre l’enjeu de ce débat au sujet des engrillagements. Ces résultats génèrent une réflexion sur la complexité des conflits environnementaux, et la nécessité d’envisager ces conflits sous des angles différents. Cela implique d’utiliser des outils et des approches issues de plusieurs disciplines, mais aussi et surtout de parvenir à mettre en résonance le matériel hétérogène ainsi obtenu, afin de proposer une approche multifacette mais cohérente. Dans ce cas d’étude, les résultats sur les effets cascades se sont par exemple révélés extrêmement marginaux, alors qu’une étude parallèle sur le comportement du sanglier en milieu engrillagé aurait probablement été très pertinente. Cela amène plus largement à réfléchir sur le « cadrage » des problèmes environnementaux, et sur les choix conscients ou non que nous faisons lorsque nous décrivons une situation comme problématique pour « la nature ». Plus généralement, ces résultats incitent à (re)placer le politique au cœur de nos réflexions sur ce qu’est la « nature », y compris dans la façon dont nous écologues posons nos questions de recherches.