Thèse soutenue

Paroles des Alpes et de l'Himalaya. Essai de psychologie intuitive sur une anthropologie des ontologies fantastiques dans deux imaginaires narratifs en milieu alpin. Entre Vallée d'Aoste et Népal.

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Auteur / Autrice : Fabio Armand
Direction : Marie-Agnès CathiardEnrico Comba
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences du langage Spécialité Linguistique Sociolinguistique et Acquisition du langage
Date : Soutenance le 19/02/2016
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes (ComUE) en cotutelle avec Università degli studi (Turin, Italie)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale langues, littératures et sciences humaines (Grenoble, Isère, France ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Arts et pratiques du texte, de l’image, de l’écran et de la scène (Grenoble)
Jury : Président / Présidente : Jacques Berlioz
Rapporteurs / Rapporteuses : Jacques Berlioz, Giacomella Orofino

Mots clés

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Résumé

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Nos objets de recherche sont des paroles. De l'acte linguistique à la parole narrative, ce travail explore les patrimoines narratifs d'expérience de milieux alpins, depuis les Alpes francophones jusqu'aux territoires himalayens du Népal. Les documents narratifs de la collecte de Charles Joisten et les enquêtes que nous avons conduites dans les Alpes valdôtaines et chez les groupes Bahun-Chhetri et Newar du Népal nous ont emmené sur les traces des ontologies fantastiques qui hantent les imaginaires narratifs de ces populations alpines. A partir de ces documents, nous avons développé une analyse transculturelle d'anthropologie neurocognitive comparée, basée sur une approche qui permet de faire le pont entre le domaine de l'ethnographie de la narration (la folkloristique) et les neurosciences cognitives. Par une prise en compte des liens entre les systèmes neurocognitifs des êtres humains producteurs d'imaginaire et leurs inspirations émanant du milieu culturel, nous sommes parvenu à pouvoir dire quelque chose du sensorium cérébral, de ses sources spécifiques (a priori contre-intuitives), auxquelles puise la création de telles ontologies imaginaires. Nous avons inséré notre travail dans le cadre du modèle transculturel d'anthropologie neuro-cognitive BRAINCUBUS (depuis Cathiard et al., 2011). Ajoutée à notre intention, une modalité autre que l'intuition de psychologie intuitive et la contre-intuition scientifique : une sur-intuition limitée aux expériences contre-intuitives non-délusionnelles.En tant qu'interface entre le folklore du surnaturel et les récentes avancées de la neurophysiologie du sommeil, ce modèle nous a permis de construire notre recherche à partir des ontologies imaginaires repérées par la folkloristique internationale, pour la plupart générées dans l'état dissocié du cerveau qu'est la paralysie du sommeil. A partir de ce quatrième état du cerveau, il est possible de dégager l'origine des différentes phénoménologies donnant naissance à l'anthropodiversité des ontologies surnaturelles. Ces corps dits « fantômes » étant neuralement bien réels, notre objectif visait l'unification de tels corps-fantômes de l'imaginaire narratif humain avec les corps physiques par leurs cartographies corticales. Nous avons focalisé notre attention sur les deux types principaux de corps-fantômes issus des deux composantes fondamentales de la paralysie du sommeil : OBE (Out-of-Body Experience) et AP3S (Alien Presence Sensed from Self Shadowing). En partant de la matrice sémantique de cette paralysie, nous avons différencié les fondements corticaux des deux phénoménologies universelles de l'âme-partie-visiter et du dormeur-visité, celles-ci se produisant, latéralisées respectivement à droite (OBE) et à gauche (AP3S), dans la jonction temporo-pariétale (TPJ).En examinant les déplacements hors-du-corps, nous avons pu mettre en évidence le rôle nodal d'une inquiétude partagée transculturellement. Il s'agit de la précaution de ne pas remuer le corps inanimé du sujet en paralysie, pour que le corps-animé s'y réintroduise. Cette sur-intuition physiologique – mémorisée et transmissible en motif narratif – devient un savoir-faire vital : l'action de retourner sur la bouche une personne en paralysie du sommeil reviendrait à la mettre en danger de mourir par suffocation, car elle ne peut reprendre le contrôle de sa respiration volontaire à cause de la paralysie des muscles intercostaux externes. La paralysie du sommeil, dont la prévalence est plutôt importante, nous a permis d'ancrer les récits dans des expériences neuralement indéniables de corps-fantômes. En intégrant ces données dans une forme neurocompatible, nous avons pu unifier les matrices narratives universelles en partant des corps-fantômes fondamentaux OBE et AP3S, dans un modèle de création neurale pour ces ontologies fantastiques, lesquelles, présentes depuis plus de 50.000 ans au moins, vont continuer à hanter nos imaginaires enrichissant le m/patrimoine narratif de l'Humanité.