Les murmures de l'ayahuasca : parcours rituel et transmission culturelle à Takiwasi
Auteur / Autrice : | David Dupuis |
Direction : | Philippe Descola |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Anthropologie sociale et ethnologie |
Date : | Soutenance en 2016 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Mots clés
Résumé
Ce travail décrit le parcours rituel proposé par Takiwasi, l’un des principaux « centres chamaniques » d’Amazonie péruvienne. Chaque année, une clientèle internationale, le plus souvent à la recherche de thérapies alternatives, s’y rend afin de participer à des « séminaires » inspirés des pratiques du curanderismo péruvien. D’une durée de deux semaines, ce dispositif implique l’usage ritualisé de plantes émétiques, du breuvage psychotrope ayahuasca, des retraites dans la jungle, des conférences et des groupes de parole. La participation à ces pratiques conduit le plus souvent le sujet à se concevoir comme porteur d’éléments pathogènes, dont il cherche dès lors à être purifié. Alors que certains rapportent l’expérience de séquences de « possession » au cours des rituels d’ayahuasca, cette représentation de soi est accompagnée de l’idée d’être susceptible d’être influencé, attaqué et habité par des forces malveillantes habituellement invisibles (infestation). Cette étude se propose d’identifier, à partir de la description ethnographique du parcours rituel des participants, les ressorts de l’appropriation de ces motifs ainsi que ses implications, à la fois en termes de reconfiguration relationnelle et de modifications symboliques de l’identité. Nous montrons que la participation au dispositif proposé implique l’apprentissage de compétences déterminées transformant la relation que le sujet entretient avec ses perceptions et ses états mentaux. Les participants apprennent ainsi à repérer les signes de la pre��sence et de l’identité d’entités culturellement postulées à la fois dans le contexte rituel et dans leur vie quotidienne. Ces séquences, perçues comme la vérification expérientielle de la théorie cosmologique et étiologique propre à Takiwasi, sont ici au cœur de la dynamique de transmission culturelle. Bien que l’adhésion à ces motifs ne soit pas exempte de doute et d’ambivalence réflexive, l’expérience rituelle de la présence tangible d’entités surnaturelles conditionne alors des reconstructions narratives qui permettent aux individus d’éclairer l’origine du malheur, de la maladie et de l’infortune.