Le non lieu imaginaire de la guerre : pour une lecture de la "Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix" de Jean Giono
Auteur / Autrice : | Edouard Schalchli |
Direction : | Philippe Baudorre |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Littératures française, francophones et comparée |
Date : | Soutenance le 15/01/2016 |
Etablissement(s) : | Bordeaux 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Montaigne-Humanités (Pessac, Gironde ; 2007-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Textes, littératures, écritures et modèles (Pessac, Gironde) |
Jury : | Président / Présidente : Christian Morzewski |
Examinateurs / Examinatrices : Philippe Baudorre, Jean-Yves Laurichesse, Jérôme Roger, Serge Latouche | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Christian Morzewski, Jean-Yves Laurichesse |
Mots clés
Résumé
La Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix écrite avant les accords de Munich et publiée, après eux, en 1938, est par excellence le texte illisible de Giono. Communiquant avec l’idylle virgilienne, elle s’en sépare en parlant non pas des paysans mais aux paysans. S’il est un romancier célébré, ses essais sont jugés avec sévérité, son lyrisme romanesque y deviendrait inefficace et ils manqueraient de l’ambiguïté féconde des fictions. Aussi les a-t-on sciemment ignorés ou tenus pour de maladroites concessions au discours social. Plus grave encore, ce texte anti-technicien, pour la paix et pour la paysannerie, nourri par l’expérience de la guerre de 14-18, a paru vidé de toute sa substance par les événements historiques qui lui ont succédé et par l’exploitation approximative de certains de ses thèmes par le pétainisme, qui contribuera à l’inscription de Giono sur la liste noire des écrivains interdits de publication après-guerre. Or, chronologiquement, la Lettre se situe au pivot des « deux » œuvres ou des deux manières de Giono et porte en elle les traces d'une crise intérieure qui est un élément indispensable pour comprendre cette délicate articulation. D’une réflexion sur « les temps actuels », le romancier est passé à des fictions ancrées dans une temporalité stendhalienne. Pourquoi alors est-elle alors demeurée une sorte de point aveugle, impossible à regarder ? Réfléchir à cette Lettre et à sa réception, c’est poser de manière aiguë la question du texte, de son lien avec son contexte d’écriture et de lecture, d’autant plus que la Lettre veut être un geste, une entrée dans l’histoire. Si Albert Camus l’a lu à sa parution et en a rendu compte, Bernard Charbonneau, précurseur de l’écologie politique, s’en est très certainement inspiré sans le dire, et les silences de Maurice Blanchot qui écrit pourtant en 1942 un article sur Giono sont également significatifs. Que se passe-t-il si on lui choisit un autre contexte ? Si on la lit depuis la crise morale et politique des années 1970, sous l’éclairage des événements du Larzac ? Si on la considère à partir des écrits de Jean Baudrillard ? Qu’est-ce qui, ainsi, entre alors dans le temps où se situent ensemble le texte et son lecteur ?