Le ventre des femmes entre guerre et soin : les enjeux fantasmatiques de la gynécologie envisagés à partir de la transplantation d'utérus
Auteur / Autrice : | Diane Garnault |
Direction : | Laurie Laufer, Catherine Desprats-Péquignot |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Recherche en psychopathologie et psychanalyse |
Date : | Soutenance en 2015 |
Etablissement(s) : | Sorbonne Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Recherches en psychanalyse et psychopathologie (Paris ; 2001-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Autre partenaire : Université Paris Diderot - Paris 7 (1970-2019) |
Résumé
La proposition de transplanter un utérus (TU) est récente et son succès encore incertain. La médiatisation dont cette offre de soin fait l'objet et le retentissement de la première naissance obtenue de la sorte dénotent, au-delà du discours médical manifeste, que se joue sur ce terrain un enjeu autre que purement thérapeutique. A replacer, au moyen de la méthodologie discursive, cette intervention de chirurgie gynécologique dans un contexte plus vaste incluant le « traitement » du corps procréateur féminin par la biomédecine mais aussi en temps de guerre, la valeur stratégique du « ventre » des femmes apparaît. Les perspectives historique, sociologique et anthropologique révèlent un fond représentationnel ancien responsable de la construction discursive de l'utérus comme métonymie de l'altérité énigmatique, lieu de l'origine dans toute son « inquiétante étrangeté ». Du fait de cet imaginaire équivoque, ces deux faisceaux de phénomènes pourtant incommensurables, médecine et logique guerrière, paraissent entrer en résonance en raison d'une dynamique pulsionnelle commune. Epistémophilie et pulsion de destruction s'y trouvent en effet engagées et ciblent pareillement les femmes perçues comme des mères potentielles et leur utérus, ce point de résistance aux velléités d'arraisonnement, ce que met éminemment en évidence la transplantation d'utérus. Son protocole requiert en effet la conjugaison de dispositifs infiltrés par une valence pulsionnelle, dont l'intensité, la lourdeur et les effets d'effacement des sujets féminins sont pourtant banalisés/niés par le discours médical. En ce sens, il apparaît que la TU, et notamment le caractère éphémère du greffon, peut servir de révélateur au fantasme matricide latent qui sous-tend les dispositifs gynécologiques. Les atteintes réelles et symboliques inscrites de la sorte dans le réel des corps féminins semblent en effet organisées par le désir d'annuler la participation maternelle à l'enfantement, la rêverie de l'utérus artificiel en constituant l'horizon. Ce voeu, alimenté par l'envie et la haine que polarise la mère en tant qu'incarnation du premier Autre, paraît s'ancrer dans le « désaide » originel et la tentative illusoire d'éviter ainsi la rencontre avec l'énigme du désir de l'Autre. Cependant, à s'en tenir à ce que les processus corporels invitent à penser, la grossesse pourrait être une voie de figuration métaphorique pour aider à penser la perte fondatrice du sujet, soit le deuil d'une part de soi qui instaure une altérité fondamentalement interne.