Le pilocentrisme de la France d’Ancien Régime. Évolution des représentations de la pilosité de François 1er à Louis XVI
Auteur / Autrice : | Benoite Legeais |
Direction : | Jean-Jacques Courtine, Dominique Deslandres |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Anthropologie |
Date : | Soutenance le 11/12/2015 |
Etablissement(s) : | Sorbonne Paris Cité en cotutelle avec Université de Montréal (1878-....) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Langage et langues (Paris) |
Partenaire(s) de recherche : | établissement de préparation : Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris ; 1970-....) |
Laboratoire : Équipe d'accueil Didactique des langues, des textes et des cultures (Paris) | |
Jury : | Président / Présidente : Georges Vigarello |
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Jacques Courtine, Dominique Deslandres, Georges Vigarello, Thomas Wien, Sophie Houdard | |
Rapporteur / Rapporteuse : Georges Vigarello, Thomas Wien |
Résumé
À cheval entre nature et culture, le poil et la chevelure humaine condensent un grand ensemble d’enjeux symboliques relevant de questions identitaires, religieuses, scientifiques, et autres. L’étude des discours et des pratiques concernant le poil représente, pour l’historien, une fenêtre sur l’évolution des mentalités d’une société donnée en ce qui concerne les perceptions de soi et de l’autre. S’inscrivant dans le courant intellectuel de l’histoire du corps, cette thèse s’attarde plus précisément aux « systèmes trichologiques » dans la France de l’époque moderne (soit du XVIe au XVIIIe siècle). Elle se fonde sur l’analyse d’une grande variété de sources permettant de recouper différents types de discours touchant au poil : point de vue scientifique des médecins, physiognomonistes et historiens, point de vue prescriptif des traités d’éducation et de civilité, contrepoint exotique des récits de voyage et autre témoignages de « curiosités » ainsi qu’un suivi de l’évolution étymologique des mots pertinents au sein de dictionnaires et encyclopédies. La question centrale de cette thèse est celle du rôle du poil dans le façonnement de représentations servant à identifier, démarquer et hiérarchiser les groupes sociaux; et comment celles-ci évoluent de concert avec d’autres transformations historiques.Le premier chapitre s’attarde au poil comme marqueur de différences individuelles. On y retrace une sorte de « langage » du poil, recensant les significations et connotations rattachées aux diverses manifestations pileuses : couleur, longueur, abondance, forme. Il y a apparait clairement que le poil joue un rôle important tant dans la mise en scène de soi que dans la lecture de l’apparence physique de l’autre. Le deuxième chapitre s’intéresse au poil en tant que marqueur de « genre ». On y examine la contribution des représentations de la pilosité dans la construction des identités masculines et féminines. Le poil s’interprète comme une manifestation extérieure de la nature des différents sexes et de leurs rôles dans la société, ce qui en fait un enjeu dans les relations de pouvoir entre les sexes et entre les gens du même sexe. Le troisième chapitre aborde le poil en ce qu’il permet de délimiter et hiérarchiser les classes sociales. On le voit participer aux modes et au processus de discipline des corps qui permettent aux élites, avec les perruques et le raffinement des conduites et des pratiques d’embellissement, de se distinguer autrement que par les vêtements. On retrace également une politique du poil qui s’étend au-delà du regard, l’état s’accordant le droit d’agir directement sur les corps – les chevelures, les poils – de ses sujets. Le dernier chapitre explore l’instrumentalisation du poil dans la construction d’un « autre » lointain et anormal : le sauvage d’outre-mer, l’enfant-loup, l’aberration de la nature. En caractérisant les poils de cas qu’ils situent aux frontières de l’humanité, les Français de l’Ancien régime exposent leurs propres présupposés sur la normalité et la civilisation.