Les maisons de santé pluriprofessionnelles, une opportunité pour transformer les pratiques de soins de premier recours : place et rôle des pratiques préventives et éducatives dans des organisations innovantes
Auteur / Autrice : | Cécile Fournier |
Direction : | Martine Bungener |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Santé Publique - Sociologie |
Date : | Soutenance le 04/03/2015 |
Etablissement(s) : | Paris 11 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Santé publique (Paris ; 2000-2015) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre de recherche- médecine- sciences- santé- santé mentale- société / CERMES3 |
Jury : | Président / Présidente : Pierre Lombrail |
Examinateurs / Examinatrices : Martine Bungener, Pierre Lombrail, Vololona Rabeharisoa, Isabelle Aujoulat, Claude Attali, Nathalie Pelletier-Fleury | |
Rapporteur / Rapporteuse : Vololona Rabeharisoa, Isabelle Aujoulat |
Mots clés
Résumé
L’exercice des soins de premier recours en maisons et pôles de santé pluriprofessionnels (MSP) connaît depuis quelques années un développement croissant. Ces modalités d’exercice sont présentées comme une solution aux défis que représentent le vieillissement de la population, l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques, l’accentuation des inégalités sociales de santé et l’irrésistible croissance des dépenses de santé. Elles s’inscrivent dans une remise en cause du système de santé français, construit historiquement sur un modèle curatif hospitalo-centré et sur une médecine de ville d’exercice libéral et isolé. L’impératif d’un recentrage du système sur les soins de premier recours devient un objectif partagé par l’Etat et certains professionnels libéraux, associé à celui de leur réorganisation pour en accroître la dimension préventive et éducative, dans une approche de santé publique collective, populationnelle et mieux coordonnée au niveau d’un territoire. Comment les soins primaires se transforment-ils dans les MSP ? Dans les dynamiques observées, quels places et rôles jouent les pratiques préventives et éducatives ? Ces questions sont abordées avec une posture de recherche « engagée », inscrite dans une réflexion méthodologique et politique, articulant des approches médicale, de santé publique et sociologique. L’analyse de la littérature permet de resituer les MSP dans un continuum d’innovations organisationnelles, favorisées par la baisse de la démographie médicale, l’inégale répartition des professionnels et la territorialisation de l’offre de soins. Pour saisir de manière simultanée et dynamique les mutations en cours dans ce type de structure, leurs modalités et le sens que leur donnent les acteurs qui s’y engagent, la recherche s’appuie sur la monographie ethnographique d’un projet de MSP suivi dans la longue durée et sur des entretiens menés auprès de professionnels exerçant dans quatre MSP contrastées. La sociologie de l’innovation permet d’éclairer les « manières de faire » et les opérations de traduction qui tissent le développement d’un exercice coordonné en MSP et la mise en œuvre de pratiques préventives et éducatives entre des acteurs travaillant généralement peu ensemble. La sociologie interactionniste permet en outre d’appréhender les difficultés ressenties par les acteurs dans leur pratique, leurs objectifs et arguments en faveur de ce nouveau cadre organisationnel, ainsi que la diversité des formes de leur engagement et des logiques sociales qui les sous-tendent. Les MSP et les démarches de prévention et d’« éducation thérapeutique » qui y sont développées apparaissent comme des instruments politiques efficaces de « mise en mouvement » des professionnels autour d’objectifs et d’organisations à co-construire, pouvant emprunter plusieurs voies. Dans ces dispositifs locaux d’innovation souple, pluriprofessionnalité et pratiques préventives se nourrissent mutuellement, contribuant à une structuration territoriale des soins primaires et à l’émergence d’une définition étendue de la prévention. Cependant, ces transformations rencontrent des freins importants. D’une part, la réinvention d’une médecine collective de ville, contre laquelle s’était construite la médecine libérale, se heurte au poids des logiques professionnelles, questionnant la possibilité d’une diffusion de ces nouvelles organisations. D’autre part, l’ampleur de l’offre préventive et éducative est limitée par les ressources disponibles, par les choix des professionnels et par la faible place donnée aux patients et aux usagers. Ces résultats interrogent la capacité des acteurs à dépasser des logiques professionnelles pour intégrer dorénavant des logiques de santé publique à visée préventive et éducative. Ils questionnent également leur volonté de s’inscrire dans une démarche de promotion de la santé, permettant d’interpeller les politiques sur les actions intersectorielles à mener contre les déterminants des inégalités sociales de santé.