Thèse soutenue

L’inquiétude des soignants en addictologie : entre défiance et amour, une dynamique éthique et clinique de la relation de soin

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Auteur / Autrice : Aymeric Reyre
Direction : Olivier Taïeb
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Ethique, Sciences, Santé, Société
Date : Soutenance le 09/03/2015
Etablissement(s) : Paris 11
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Savoirs scientifiques : Epistémologie, histoire des sciences, didactique des disciplines (Paris ; 2000-2019)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Département de Recherche en Ethique. Faculté de médecine - Le Kremlin-Bicêtre (Université Paris-Sud 11)
Jury : Président / Présidente : Emmanuel Hirsch
Examinateurs / Examinatrices : Olivier Taïeb, Emmanuel Hirsch, Marie Rose Moro, Patrick Baudry, Didier Sicard, Armelle Debru, Marc-Henry Soulet, Henri-Jean Aubin
Rapporteur / Rapporteuse : Marie Rose Moro, Patrick Baudry

Résumé

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La rencontre des patients addictés suscite fréquemment l’inquiétude. Celle-ci rend difficile l’exercice du soin, même spécialisé, et attaque ses conditions éthiques. Cette thèse se propose d’explorer l’expérience des professionnels de l’addictologie, dans la diversité de leurs approches et de leurs pratiques. Elle s’inscrit dans une épistémologie de la complexité et adopte une méthodologie complémentariste. Des discours socio-anthropologiques, philosophiques et psychanalytiques peuvent ainsi être mis en contact au profit d’une appréhension plurivoque de la problématique éthique et clinique de la relation de soin en addictologie. Dans un premier temps, nous avons exploré de manière qualitative l’expérience des soignants. L’étude « Éthique et Narrativité dans les Addictions » (EthNaA) nous a apporté de nombreuses données sur les sources et les effets de l’inquiétude dans le soin, ainsi que sur des voies de dégagement. Une lecture psychodynamique de ces résultats nous a permis d’extraire une première théorie de la relation de soin : dans la rencontre, soignant et patient se replient sur des positions narcissiques qui déterminent leurs représentations de l’autre et d’eux-mêmes, ainsi que leur modalités de lien ; alternativement monstres et héros, les acteurs s’agrippent et se rejettent dans un climat de défiance qui infiltre tous les espaces ; dans la douleur de cette expérience et dans la conscience des conséquences éthiques pour le patient, les professionnels cherchent des moyens de restaurer une confiance dans un soin de soi et une recherche de soutien à l’ « extérieur », sans toutefois pouvoir s’y engager. Dans un second temps, en tant qu’acteur de ce soin, il était nécessaire que nous présentions notre propre expérience, ainsi que des histoires cliniques, pour pouvoir prétendre soutenir un discours éthique. Cette expérience est très proche de celle des soignants d’EthNaA mais son exposé a permis de souligner l’ancrage intrapsychique des mouvements affectifs décrits précédemment. Cela nous a mis sur la voie d’une seconde théorie capable de soutenir des propositions de nature à restaurer le soin dans ses qualités éthiques et cliniques. La « relation inquiète » met en présence un patient souffrant dans une attente silencieuse, et un soignant désireux de s’investir mais vulnérable, en premier lieu du fait d’un affaiblissement de la fonction tierce en lui comme dans son cadre institutionnel. La relation de soin s’enferme alors dans une circularité qui évoque le cercle des attitudes de Jean-Paul Sartre, entre masochisme, haine, sadisme et amour. Cet amour, présent dans le discours des soignants, reste replié sur soi et défiant. Nous avons alors repris les idées des professionnels d’EthNaA et les avons complétées en proposant un souci de soi, resubjectivant et allié à un réinvestissement de la fonction tierce intériorisée. Cette nouvelle prise de position soignante, dans une affirmation du primat du tiers, doit permettre une reconnaissance de l’autre-patient comme sujet propre. Ce « jeu » entre les protagonistes doit s’inscrire dans une éthique simultanément exigeante et tolérante. La piste « amoureuse » ouverte par les soignants d’EthNaA peut alors rejoindre l’éthique de Vladimir Jankélévitch. La relation de soin entre deux sujets restaurés peut alors se relancer – portée par une nouvelle dialectique entre soin de soi et amour de l’autre, entre inquiétude saisissante et élancement, entre défiance et confiance – sur une trajectoire sinueuse et parfois chaotique, mais qui donne finalement au soin le dernier mot.