Bases comportementales et génétiques des apprentissages aversif et appétitif chez l'abeille, Apis mellifera
Auteur / Autrice : | Pierre Junca |
Direction : | Jean-Christophe Sandoz |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences de la vie et de la santé |
Date : | Soutenance le 30/09/2015 |
Etablissement(s) : | Paris 11 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Gènes, Génomes, Cellules (Gif-sur-Yvette, Essonne ; 2000-2015) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire Evolution, Génomes et Spéciation (Gif-sur-Yvette, Essonne ; 1994-2014) |
Jury : | Président / Présidente : Pierre Capy |
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Christophe Sandoz, Pierre Capy, Patrizia D’Ettorre, Raphaël Jeanson, Jean-Marc Devaud | |
Rapporteur / Rapporteuse : Patrizia D’Ettorre, Raphaël Jeanson |
Mots clés
Résumé
Dans un monde dynamique la survie des animaux dépend de leur capacité à intégrer des signaux environnementaux afin d'adapter leur comportement à la survenue de conséquences positives (nourriture) ou négatives (dangers) c'est-à-dire de leurs capacités d’apprentissages associatifs appétitif et aversif. Pendant ce travail de thèse, nous nous sommes intéressés aux bases comportementales, moléculaires et génétiques de l'apprentissage aversif et aux relations existant entre apprentissages aversif et appétitif au sein d'un groupe social. L'abeille est un insecte eusocial qui constitue un modèle de choix pour cette étude grâce à l'existence des protocoles de conditionnement appétitif de la réponse d'extension du proboscis (REP) et de conditionnement aversif de la réponse d'extension du dard (RED). Jusqu'à présent, le renforcement utilisé dans le conditionnement aversif de la RED était un choc électrique. Ce stimulus traversant la majeure partie du corps de l'abeille, il est peu aisé d'étudier les structures responsables de sa détection. Dans un premier chapitre, nous avons donc testé l’effet d’une forte température (65°C) sur la RED. Nous montrons qu’une stimulation thermique au niveau des pièces buccales, des pattes ou des antennes induit une RED. De plus, les abeilles parviennent à associer une odeur à la présentation concomitante d'une forte température. Dans un deuxième chapitre, nous avons cartographié la sensibilité thermique du corps des abeilles en mesurant la RED. Ce travail a montré que la stimulation de presque toutes les parties du corps induit une RED. De plus, ces stimulations peuvent jouer le rôle de renforcement aversif lors d’un conditionnement olfactif de la RED. Nous nous sommes ensuite intéressés aux récepteurs périphériques potentiellement impliqués dans la détection des fortes températures, et en particulier à HsTRPA (Hymenoptera specific Transient Receptor Potential A). Nous montrons que l’injection d'inhibiteurs exogènes de HsTRPA réduit les RED à la température. Ces résultats suggèrent l’implication possible d’HsTRPA dans la détection de la température chez l’abeille. Dans un troisième chapitre, nous nous sommes intéressés aux relations existant entre les capacités d’apprentissages aversif et appétitif des abeilles. En nous appuyant sur le protocole aversif thermique, combiné au protocole de conditionnement de la REP existant, nous avons étudié la distribution des capacités hédoniques appétitive et aversive au sein d'une ruche. La reine étant fécondée par 15-20 mâles, la ruche est segmentée génétiquement en autant de lignées paternelles différentes. Nos données montrent que la sensibilité des individus aux renforcements aversif (chaleur) et appétitif (sucre) détermine leurs performances d'apprentissage au sein de chaque modalité hédonique. Nous montrons de plus l’existence d’un trade-off, sous déterminisme génotypique, entre les capacités cognitives appétitive et aversive au sein de la colonie. Le quatrième chapitre a étudié la plasticité comportementale induite par les deux types de conditionnement. La REP et la RED étant des réponses de type ''tout ou rien'', nous nous sommes demandé si les mouvements antennaires des abeilles pouvaient procurer une mesure fine et intégrer des apprentissages appétitif et aversif. Nous avons développé un système de capture vidéo enregistrant les mouvements antennaires à haute vitesse. Nous montrons que les abeilles modifient leur réponse antennaire à une odeur après un apprentissage appétitif mais pas après un apprentissage aversif. Durant ce travail de thèse, nous avons ainsi développé deux nouveaux protocoles comportementaux en contention, et avons procuré de nouvelles données sur l’apprentissage aversif chez l’abeille. Nous avons observé un trade-off au sein de la ruche entre les capacités hédoniques appétitive et aversive, sous déterminisme génétique. De telles spécialisations cognitives pourraient jouer un rôle prépondérant dans l'évolution des groupes sociaux.