Conséquences et évolution de l’autofécondation : une approche expérimentale chez des gastéropodes hermaphrodites d’eau douce
Auteur / Autrice : | Elsa Noël |
Direction : | Philippe Jarne, Sylvain Glémin |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Ecologie, évolution, ressources génétiques, paléontologie |
Date : | Soutenance le 14/12/2015 |
Etablissement(s) : | Montpellier |
Ecole(s) doctorale(s) : | Systèmes Intégrés en Biologie, Agronomie, Géosciences, Hydrosciences, Environnement (Montpellier ; École Doctorale ; 2009-2014) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (Montpellier) |
Jury : | Président / Présidente : Annie Guiller |
Examinateurs / Examinatrices : Philippe Jarne, Sylvain Glémin, Annie Guiller, Claudie Doums, John Pannell, Sandrine Maurice | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Claudie Doums, John Pannell |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
Une grande partie des organismes hermaphrodites, qu’il s’agisse de plantes ou d’animaux, est capable de se reproduire par autofécondation, comme alternative à la fécondation croisée. Or les modèles théoriques prédisent un ensemble de conséquences évolutives importantes liées à l’autofécondation. La première prédiction est qu'une population pratiquant l'autofécondation est moins sensible à la dépression de consanguinité qu'une population à reproduction croisée, car une partie de la dépression a été « purgée », c’est-à-dire que les allèles délétères récessifs sont éliminés par la sélection naturelle plus facilement en autofécondation. Cette purge entraine en retour une sélection positive sur l’autofécondation. On attend aussi chez ces populations l’évolution de traits facilitant l’autofécondation (par ex., des fleurs fermées), ainsi qu’une réallocation de ressources de la fonction mâle vers la fonction femelle, en raison d’une sélection sexuelle réduite sur la fonction mâle. Une reproduction par autofécondation va aussi considérablement affecter la variabilité disponible en raison d’une taille efficace de population divisée par deux, augmentant les effets de dérive. Par ailleurs, la moindre efficacité de la recombinaison va augmenter la sensibilité aux interférences sélectives (sélection d’arrière-plan, balayage sélectif) et diminuer la probabilité de fixer plusieurs mutations avantageuses dans le même génome. En d’autres termes, l’autofécondation conduit à un fardeau génétique plus lourd, et diminue les capacités d'adaptation et l’efficacité de la sélection naturelle. On prédit donc que les espèces autofécondantes ont une probabilité d’extinction plus grande que les espèces allofécondantes – elles constituent un cul-de-sac évolutif. Ces prédictions ont pour l’essentiel été évaluées chez des plantes, voire ne l’ont pas été du tout. L’objectif de cette thèse est d’apporter des éléments permettant de les tester chez des animaux, les escargots hermaphrodites d’eau douce. Pour ce faire, nous avons opté pour une approche d’évolution expérimentale permettant de contrôler régime de reproduction, conditions environnementales et pressions de sélection. Notre modèle d’étude est Physa acuta, une espèce allofécondante qui est capable de se reproduire par autofécondation et nous avons des lignées expérimentales se reproduisant soit en allofécondation stricte soit alternant avec une génération d’autofécondation depuis 20 à 30 générations au laboratoire. La première expérience montre que non seulement la dépression de consanguinité est largement purgée en une dizaine de génération d’autofécondation, mais aussi que le temps d’attente (un trait positivement corrélé au taux d’allofécondation) a fortement diminué. Nous n’observons en revanche aucune réallocation sur la fonction femelle. La deuxième expérience dans laquelle nous avons comparé la réponse à la sélection sur un trait morphologique en autofécondation et en allofécondation montre qu’une population en autofécondation répond d’abord mieux car les allèles sont progressivement placés à l’état homozygote mais cet avantage s’épuise rapidement probablement à cause des interférences sélectives car en trois générations elles commencent à répondre plus lentement que la même population en allofécondation (le trait considéré était la forme de la coquille). Ces travaux apportent des éléments nouveaux quant à notre compréhension de l’évolution de l’autofécondation, et proposent des éléments expérimentaux novateurs quant à la moindre adaptabilité des espèces autofécondantes.