Multilinguisme, identité et cinéma du monde sinophone : nationalisme, colonialisme et orientalisme
Auteur / Autrice : | Henry Leperlier |
Direction : | Gregory B. Lee |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Études de l’Asie et de ses diasporas |
Date : | Soutenance le 18/09/2015 |
Etablissement(s) : | Lyon 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon ; 2007-....) |
Jury : | Président / Présidente : Vanessa Frangville |
Examinateurs / Examinatrices : Vanessa Frangville, Sean Golden, Roger Greatrex, Corrado Neri | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Vanessa Frangville, Sean Golden |
Mots clés
Résumé
Le monde chinois ou sinophone ne se limite pas à la Chine continentale, mais il s’étend au-delà de l’État-nation qui est souvent perçu comme étant le phare médiatique de la culture chinoise. La langue chinoise est aussi parlée dans d’autres pays comme Taïwan et Singapour où elle a un statut officiel; elle est aussi langue d’enseignement en Malaisie et à travers la diaspora.Ce monde sinophone n’est pas unilingue et comprend non seulement les langues des minorités officielles définies par la Constitution de la République populaire de Chine, mais aussi les autres langues chinoises, telles le shanghaïen, le cantonais ou le hokkien pour ne citer que les trois langues chinoises jouissant d’un certain prestige. À Taïwan, société multilingue et multiculturelle, à côté des trois langues chinoises, le mandarin, le hokkien, sous sa dénomination locale de taïwanais, et le hakka sont aussi des langues couramment utilisées dans les médias et plus récemment dans le système éducatif ; à leurs côtés se trouvent plusieurs langues aborigènes qui sont encouragées par le gouvernement et jouissent d’une image positive dans la population Han. Cette diversité linguistique est reflétée dans le cinéma différemment en Chine et dans les autres pays sinophones. En Chine, les minorités ethniques ont longtemps été reléguées au statut de sujet anthropologique et présentées au cinéma d’un point de vue paternaliste reflétant une attitude « orientaliste » telle que théorisée par Edward W. Said. Ce n’est que récemment que le cinéma chinois a commencé à produire des films où les minorités ethniques prennent la parole et sont incarnées par des protagonistes prenant en main leur destin. La situation à Taïwan est plus diversifiée : après l’occupation japonaise la majorité des films était en taïwanais mais l’investissement important de la part des autorités dans des productions sophistiquées en couleur a rapidement vu la fin des productions en taïwanais pendant plusieurs décennies. Ce n’est que vers la fin de l’état de siège au milieu des années 1980 que le cinéma taïwanais recommencé à faire usage d’autres langues que le mandarin ; par contraste avec les périodes précédentes, on assiste surtout à des films multilingues reflétant le mélange multiculturel et linguistique de la société taïwanaise du passé aussi bien que du présent.La relative liberté du cinéma sinophone de refléter les pays de langue chinoise dans leur diversité culturelle, d’articuler les contacts entre minorités ethniques en Chine et la majorité Han, comme dans Kekexili ; le souci de réalisme culturel, linguistique, sociétale et historique comme dans Seediq Bale à Taïwan ; le portrait d’une société multilingue à Singapour telle qu’elle est décrite dans Singapore Dreaming sont les signes avant-coureurs que la société sinophone ne se réduit pas à un seul pays et que sur la scène internationale il sera impossible de considérer la Chine comme seule détentrice d’une culture sinophone. Le développement de ce cinéma sinophone dans les festivals étrangers, sur les plateformes de diffusion vidéo ou de salles de cinéma montre qu’il existe un intérêt pour le cinéma sinophone qui est perçu comme une fenêtre sur la culture, la politique et les sociétés de ses composantes. Il sert aussi d’échange entre les différents pays et régions du monde sinophone et pourrait bien être le premier élément d’une culture sinophone transnationale et transculturelle. Dans ce contexte transnational, Taïwan, comme l’avance June Yip à maintes reprises dans Envisioning Taiwan - Fiction, Cinema and the Nation in the Cultural Imaginary, pourrait être le premier pays à avoir abandonné le concept d’État nation et fait preuve d’avant-garde au même titre que le cinéma sinophone transnational.