Thèse soutenue

Erosion et flux sédimentaires associés dans un bassin versant soumis à un régime de mousson : l'exemple de la Tista (Inde), du Sikkim au mégafan

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Auteur / Autrice : Rachel Abrahami
Direction : Pascale HuyghePeter van der Beek
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de la terre et de l'univers, et de l'environnement
Date : Soutenance le 06/05/2015
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la terre, de l’environnement et des planètes (Grenoble, Isère, France ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut des sciences de la Terre (Grenoble)
Jury : Président / Présidente : Stéphane Guillot
Examinateurs / Examinatrices : Isabelle Coutand, Peter G. DeCelles
Rapporteurs / Rapporteuses : Sanjeev Gupta, Sébastien Carretier

Résumé

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L'évolution d'une chaîne de montagne résulte des rétroactions entre le climat et la tectonique via l'érosion. La chaîne Himalayenne, soumise à des processus climatiques et tectoniques très actifs est un chantier d'étude idéal pour comprendre ces interactions. Dans cette étude nous nous sommes intéressés à l'évolution topographique de la région du Sikkim (Inde) ainsi qu'aux processus de formation et de développement du mégafan Quaternaire de la Tista, dépôt fluviatile situés au pieds de ces reliefs. Nos résultats indiquent qu'à l'échelle géologique, les taux d'exhumation (obtenus par les traces de fission sur apatite) les plus forts sont concentrés dans le Sud-Ouest du Sikkim (1.2 ± 0.6 mm/an) suggérant un contrôle tectonique lié à la formation du duplex du Moyen-Pays (« Rangit Duplex »). Les taux d'érosion à l'échelle millénaire (obtenus par 10Be) les plus forts (≈ 5 mm/an) sont enregistrés au niveau de la « Main Central Thrust Zone », mais les zones sources de ces échantillons semblent affectées par des glissements de terrain menant à une surestimation de ces taux. Des taux d'érosion importants sont également enregistrés au Nord du Sikkim (1 à 2 mm/an) et coïncident avec les fortes valeurs de l'indice ksn, localisées au niveau de l'altitude d'avancée maximale des glaciers durant le Dernier Maximum Glaciaire. Nous en concluons que l'érosion millénaire au Sikkim soit en partie liée à l'héritage géomorphologique glaciaire. Le mégafan de la Tista stocke les produits d'érosion du Sikkim et s'étend sur plus de 16 000 km2 depuis le front de la chaîne, où il est fortement incisé, jusqu'à la confluence de la Tista avec le Brahmapoutre. Nous présentons un scénario de développement du mégafan avec le développement successifs de deux lobes distaux en aval d'un lobe proximal commun, développé au front de la chaine depuis au moins 50 000 ans et incisé par la Tista depuis 4000+600/-400 ans. Le lobe distal occidental a été formé tôt dans l'histoire du mégafan, par des rivières drainant le Sikkim et se jettant dans le Gange, et a été abandonné au début de l'Holocène (10 000 – 11000 ans). Le lobe distal oriental, très peu incisé et plus récent (< 1000 ans), s'est construit quand le réseau de drainage principal du Sikkim a migré vers l'Est grâce à d'importantes avulsions. Les périodes d'aggradation et d'incision des rivières sont compatibles avec un guidage climatique, où les périodes de forte intensité de mousson et de forts flux sédimentaires associés coïncident avec des phases d'aggradation dans l'avant-pays. Les phases initiales et terminales de ces périodes de fortes moussons sont caractérisées par de l'incision dans l'avant pays. En revanche, le rôle de l'activité tectonique sur l'alluvionnement et l'incision du mégafan semble mineur. Les résultats pétrographiques et isotopiques (Sr et Nd) utilisés pour contraindre les sources des sédiments du mégafan indiquent une forte différence avec les sédiments actuellement transportés par la Tista qui pourrait s'expliquer par l'influence de roches sédimentaires téthysiennes crétacés exposées au nord du Sikkim, et actuellement drainées par la Kosi. Cela suggère que cette zone ait été récemment (4000 ans) capturée par la Kosi, provoquant l'incision récente et importante du mégafan, due au rééquilibrage du profil de la Tista. Cette hypothèse préliminaire permettrait d'expliquer également la taille disproportionnée du mégafan comparée à celle de son bassin versant actuel. Par ailleurs, nos résultats montrent que les variations de l'érosion et de l'altération chimique répondent à des variations climatiques globales et régionales. Les périodes de fortes intensités de précipitations de mousson se traduisent au Sikkim par une plus forte pénétration des précipitations dans la haute chaîne et une plus forte altération chimique des silicates. Depuis le dernier maximum glaciaire, la région du Sikkim est caractérisée par une augmentation de l'érosion et de l'altération chimique.