Steppes ou forêts ? : les conditions environnementales de la formation et de l'évolution des chernozems en Europe Centrale
Auteur / Autrice : | Barbora Vyslouzilova |
Direction : | Dominique Schwartz, Luděk Šefrna |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Géographie |
Date : | Soutenance le 26/09/2014 |
Etablissement(s) : | Strasbourg en cotutelle avec Univerzita Karlova (Prague) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale des Sciences de la Terre et Environnement (Strasbourg ; 2000-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire image, ville et environnement (Strasbourg) |
Jury : | Président / Présidente : Jakub Langhammer |
Examinateurs / Examinatrices : Tereza Zádorová, Zbyněk Engel, Damien Ertlen | |
Rapporteur / Rapporteuse : Elena Havlíček, Jan Kalvoda |
Résumé
Le chernozem est un sol emblématique, car il a participé à la naissance de la pédologie par l’intermédiaire des travaux de Dokuchaev (1883). Depuis, la formation des chernozems a suscité de nombreuses questions parmi les pédologues, botanistes et paléo-environnementalistes. Tandis qu’en Europe de l’Est et en Eurasie les chernozems sont décrits comme des sols zonaux, typiques des milieux steppiques continentaux, les zones où on les rencontre en Europe Centrale sont prédisposées par leur climat à la présence de forêts. L’objectif de notre travail vise à enrichir ce débat en reconstituant les conditions environnementales de la pédogénèse de ces sols en Europe Centrale. Le chernozem est un sol le plus souvent développé sur lœss à horizon de surface organique très épais et sombre qui passe directement à un horizon calcaire. La matière organique a subi une lente évolution sous la dépendance de contrastes climatiques. Néanmoins, en Europe Centrale, les facteurs climatiques liés à la présence de chernozems sont à nuancer. Les chernozems sont censés s’être formés sous les conditions climatiques différentes d’aujourd’hui qui ont dominé en Europe Centrale au Tardiglaciaire et au début de l’Holocène. Si des nuances climatiques permettent d’expliquer la différence de répartition des chernozems (« plus sec ») et des luvisols (« plus humide ») à l’échelle régionale, ce n’est plus vrai à l’échelle locale où les limites entre ces sols sont très brutales, alors que les conditions de milieu sont identiques. Une théorie pour expliquer leur persistance considère que ce serait l’ouverture artificielle du milieu, continue depuis le Néolithique, qui aurait bloqué leur évolution vers d’autres types de sols. Cette hypothèse expliquerait leur répartition sous forme d’îlots ou de mosaïque, alternant avec des luvisols et des phaeozems. Nous avons privilégié dans notre questionnement l’étude des archives pédologiques, plus précisément celle des matières organiques, dont certaines ont la capacité de résider dans le sol pendant des milliers d’années. Celles-ci sont d’origine locale et permettent donc de reconstituer l’environnement végétal immédiat lors de la formation du sol. Elles ont été analysées par spectroscopie proche infrarouge qualitative (SPIR-qual). Cet outil représente une approche novatrice dans l’étude des paléo-environnements. Cette approche s’est accompagnée d’une étude pédoanthracologique sur certains paléosols et de l’analyse micromorphologique d’une catena chernozem – luvisol à l’échelle stationnelle. Nous avons montré que certains chernozems ont évolué constamment sous prairie, tandis que d’autres ont une histoire récente forestière, mais ont connu auparavant une évolution sous végétation de prairie. Les études pédoanthracologiques sur des paléochernozems pléistocènes et holocènes ont chaque fois révélé la présence de charbons de bois d’essence forestière. L’analyse micromorphologique de la catena met en évidence un chernozem qui s’est développé à partir d’un luvisol ce qui contraste avec les modèles habituels de dégradation des chernozems en luvisols. Ce travail confirme que la couverture végétale des chernozems peut selon le cas être forestière ou prairiale. Il est certain que des chernozems ont évolué pendant un laps de temps long sous forêt. Ce résultat est en contradiction avec l’hypothèse dominante, qui veut que les chernozems se développent et subsistent exclusivement sous steppe.