Prendre la rue : politique de la citadinité vagabonde en Afrique : les Shégués de Kinshasa
Auteur / Autrice : | Camille Dugrand |
Direction : | Richard Banégas |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Science politique |
Date : | Soutenance le 05/12/2014 |
Etablissement(s) : | Paris 1 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de science politique (Paris ; 1992-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Equipe de recherche : Centre d'études des mondes africains (Paris ; 2006-2014) |
Jury : | Président / Présidente : Isabelle Sommier |
Examinateurs / Examinatrices : Richard Banégas, Isabelle Sommier, Dominique Malaquais | |
Rapporteur / Rapporteuse : Alphonse Maindo Monga Ngonga, Mamadou Diouf |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
S'appuyant sur des enquêtes de terrain conduites à Kinshasa, cette thèse s'intéresse aux parcours des Shégués, ces jeunes citadins qui empruntent un chemin « différent » dans les rues de la mégapole congolaise. En « prenant » et en habitant la rue, en s'écartant des formes d'existence conventionnelles en famille et sous un toit, les acteurs se plongent dans une aventure citadine vagabonde porteuse de contraintes et d'alternatives. En contrepoint aux discours dominants qui les associent à des enfants des rues marginaux, isolés et inaudibles, ces Shégués apparaissent au contraire comme des figures incontournables de la citadinité kinoise. Assujettis à un mode d’existence semé de contraintes et d’incertitudes, ces jeunes citadins se retrouvent autour de nouvelles formes de sociabilité synonymes de soutien et de violence autant d’opportunités alternatives d’exister et de se distinguer, voire d’émerger comme des individus reconnus et renommés. Les Shégués édifient une culture de rues qui leur permet de nouer des interactions composites avec l’ensemble des usagers de la ville, au point de s’insérer dans les réseaux de pouvoir citadin. Leur singularisation sociale et la stigmatisation qu’elle engendre s’accompagne d’une multitude de contraintes mais aussi d’occasions supplémentaires d’agir sur la ville, voire d’accéder à des formes de popularité et de prestige. Comment les Shégués agissent-ils sur leur ville ? Que nous disent-ils des perspectives d’accomplissement personnel s’offrant aux jeunes de Kinshasa d’aujourd’hui ? Quels sont les impacts politiques de la violence qu’ils exercent et qu’ils subissent ? Produisent-ils une culture contre-hégémonique ou viennent-ils au contraire renforcer un ordre politique violent et clientéliste ? Quelles frontières distinguent ces jeunes acteurs des autres citadins ? Forgent-ils une culture subversive et contestataire ? Les trajectoires des Shégués donnent à voir les ambivalences d’une sous-culture juvénile dépendante de son environnement immédiat pour survivre qui se réapproprie les codes établis par les dominants tout en défiant l’exclusion à laquelle ceux-ci les assignent. S’ils peuvent ainsi apparaître comme des figures renforçant l’ordre établi par « ceux d’en haut », ces acteurs forgent des styles de vie porteurs de subversion et de contestation dans une mégapole kinoise mobile et secrète de nouvelles normes et de nouvelles façons de vivre et de survivre. Les Shégués s’affirment en définitive comme des acteurs moteurs d’une dynamique citadine qui promeut sans relâche de nouvelles figures de légitimité et de prestige, tout en reformulant continûment de nouveaux imaginaires d’autres vies possibles. Ils expriment les visées critiques et politiques d’une vie vagabonde qui participe et influe sur les changements d’une citadinité kinoise s’appliquant à réinventer les voies qui lui permettraient de renverser le cours du destin en accédant enfin à une « autre vie ».