Thèse soutenue

Pourquoi pousser des oh et des ah ? Les fonctionnements interjectifs à l'oral : de la grammaire à l'approche interactionnelle. L'exemple des interjections vocaliques en situation de procédure de service

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Auteur / Autrice : Laurent Fauré
Direction : Jacques Bres
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences du langage
Date : Soutenance le 06/12/2014
Etablissement(s) : Montpellier 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale 58, Langues, Littératures, Cultures, Civilisations (Montpellier ; 2015-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Praxiling - Praxiling / Praxiling
Jury : Président / Présidente : Christine Béal
Examinateurs / Examinatrices : Jeanne-Marie Barbéris
Rapporteur / Rapporteuse : Antoine Auchlin, Anne-Catherine Simon

Résumé

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Ce travail vise à rendre compte des fonctionnements discursifs et interactionnels des interjections oh et ah en français parlé contemporain. À la lumière de la linguistique interactionnelle et de la praxématique, on étudie ces vocalisations sur la foi de données recueillies en oral ordinaire, en interaction de travail. Un premier survol du cours historique de la notion d'interjection permet de réfuter l'orientation traditionnelle tenace qui en fait des marques pulsionnelles à des degrés divers : on assignera plutôt à ces particules un rôle de simulacre affectif dans la spectacularisation linguistique, qui en fait des pseudo-cris, lesquels travaillent intersubjectivement l'empathie. Syntaxiquement, le soubassement exclamatif, le fonctionnement discordantiel des interjections les apparient aux formes de détachement et autres fonctionnements parataxiques, tout en les en dissociant, pour en faire des segments autonomes sans actance explicite. En effet, ces mots-phrases procèdent d'une forme de prédication impliquée. Interactionnellement, on peut lire aussi sous cette dimension holophrastique des changements de mode : les vocalisations exhibent un changement d'état (avéré ou simulé) dans la pensée du locuteur (Heritage) mais elles signent également le glissement d'une position subjective à une autre (Goffman).Sous ce marquage métadiscursif, on décèle la raison du caractère préféré du placement initial ou post-rhématique des interjections primaires dans le tour du parleur en exercice et de son importante récurrence en piste de guidage. L'apport de la praxématique ajoute à cette contribution conversationnaliste la prise en compte des processus d'actualisation des métapraxèmes interjectifs, c'est-à-dire en tant qu'organisateurs des articulations internes du discours et comme interfaces avec le réel. Ces particules tendent en effet à marquer pour autrui l'intégration d'informations issues de la survenue de phénomènes dans l'environnement interactionnel ou dans la pensée du locuteur. L'hypothèse défendue dans ce travail est qu'elles indexent un décrochage dans le flux langagier et actionnel en cours tout en formant suture du dire, avant redémarrage énoncif. Ce dynamisme métadiscursif procède du jeu des attentes mutuelles telles que, selon les normes participatives, la gestion de l'inattendu, précisément, peut en susciter. Ainsi, l'indice de surprise que, traditionnellement, on décèle sous le oh et le ah, est–il à relire comme manifestation d'un affect conversationnel distribué, qui participe de la formation de l'image de l'autre en discours et en cours d'action (allogénèse). Cette portée intersubjective explique, dans le même mouvement analytique, le rapport singulier des vocalisations à la contextualisation et au formatage interprétatif.Sur la base de ces croisements théoriques, l'approche transversale des données (plus particulièrement en fonction des règles de placement en premier, deuxième et troisième tours de parole) permet de dégager les propriétés différentielles des vocalisations par rapport aux autres particules interjectives afin de mieux spécifier leurs traits définitoires. Dans le même sens, pour contribuer à résoudre les problèmes classiques relatifs à la sémantique des interjections vocaliques, on avance l'hypothèse monosémique des valeurs de base respectives de ah et de oh qui les spécifient vis-à-vis des autres morphèmes interjectifs et les dissocient entre elles (plus particulièrement à travers leur portée prospective/rétrospective). Leur appariement à d'autres particules (du type ah bon, oh là là), syntagmes (ah ! la carte bleue !) et propositions (oh ! j'ai pas dit ça hé) vient infléchir en discours ce schème de base, que les marques voco-prosodiques – auxquelles un examen est consacré – contribuent également à actualiser. Ces observations concourent à ancrer ce travail à l'articulation revendiquée de l'analyse du discours et de la grammaire-pour-l'interaction.