Codage cortical de la synesthésie graphème-couleur
Auteur / Autrice : | Mathieu Ruiz |
Direction : | Michel Dojat |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences cognitives, psychologie et neurocognition |
Date : | Soutenance le 10/11/2014 |
Etablissement(s) : | Grenoble |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale ingénierie pour la santé, la cognition, l'environnement (Grenoble ; 1995-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut des neurosciences de Grenoble - Centre de recherche Cerveau et Cognition (Toulouse ; 1993-....) |
Jury : | Président / Présidente : Anne Guérin-Dugué |
Examinateurs / Examinatrices : Michel Dojat, Jean-Michel Hupé, Mark Price | |
Rapporteur / Rapporteuse : Daniel Kiper, Bertrand Thirion |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
La synesthésie est un phénomène fascinant qui offre une opportunité privilégiée d'étudier chez les sujets sains les bases neurales de l'expérience subjective. Les synesthètes graphème-couleur (1 à 5 % de la population – qui ignorent le plus souvent l'être) associent arbitrairement et systématiquement une couleur spécifique à chaque lettre ou chiffre. Ce travail de thèse se focalise sur ces synesthésies et explore l'implication, dans l'expérience subjective de couleurs synesthésiques, des régions corticales qui sont actives lors de la perception des couleurs ‘réelles'. Dans une étude préalable réalisé par l'équipe d'accueil utilisant l'Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) fonctionnelle, une telle implication des ‘aires de la couleur' n'a pas été observée (Hupé et al. 2012). Une analyse statistique ‘classique' (univariée) du traitement des données mesurées était utilisée.Cette thèse vise à déterminer si les couleurs synesthésiques reposent sur les réseaux neuronaux des couleurs réelles en utilisant une technique d'analyse statistique multivariée (MultiVoxel Pattern Analysis – MVPA). A la différence de l'analyse univariée elle se base sur des ensembles de voxels (les pixels en 3D qui composent les images acquises) et prend en compte leurs motifs d'activation correspondant spécifiquement à l'encodage d'une information donnée par le cerveau. Cet encodage est réalisé au niveau neuronal et l'IRMf en donne une quantification non-invasive et indirecte au travers des répercutions hémodynamiques induites par l'activation neuronale. Cette modélisation multivariée des données fait des MVPA une approche particulièrement adaptée à la mesure d'informations encodées finement de manière distribuée. Le but de ce travail est d'explorer son efficacité pour l'étude des synesthésies graphème-couleur où l'analyse classique n'a pas fourni de résultats robustes. En pratique, elle nécessite cependant l'utilisation de protocoles spécifiques, la maîtrise des nombreux paramètres qui influent radicalement sur son fonctionnement et l'utilisation conjointe de l'analyse univariée. Dans une première étape de cette thèse, nous avons évalué différents aspects méthodologiques qu'il est important de maîtriser afin d'obtenir des résultats robustes et une analyse fiable.Ensuite, nous avons comparé le traitement des couleurs réelles et synesthésiques chez deux groupes de 20 synesthètes et non synesthètes. Nous avons trouvé que le traitement des couleurs synesthésiques ne repose pas sur les réseaux neuronaux de traitement de la couleur réelle. Cela peut signifier que les bases neuronales des couleurs synesthésiques ne se situent ni dans les aires visuelles rétinotopiques ni dans les aires de l'expertise visuelle (les aires de la ‘voie ventrale'). Cela peut également signifier que, bien que ces aires soient impliquées, ce ne sont pas les réseaux neuronaux de traitement des couleurs réelles qui sont activés lors de la perception de couleurs synesthésique. D'un point de vue méthodologique, il est possible que les signaux mesurés par l'IRMf ne permettent pas d'observer ce codage partagé. Ces résultats posent donc la question des limites de l'interprétation des signaux mesurés en IRMf très indirectement liés à l'activité neuronale. L'identification des réseaux neuronaux impliqués dans l'expérience subjective des couleurs synesthésiques reste donc une problématique ouverte.