Sur les chemins de terre brune : voyages et voyageurs dans l'Allemagne nationale-socialiste (1933-1939)
Auteur / Autrice : | Frédéric Sallée |
Direction : | Bernard Bruneteau |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire |
Date : | Soutenance le 07/11/2014 |
Etablissement(s) : | Grenoble |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre de recherche en histoire et histoire de l'art - Italie, pays alpins (Grenoble ; 1991-2015) - Centre de Recherche en Histoire et histoire de l'art. Italie- Pays Alpins- Interactions internationales / CRHIPA - EA 599 |
Jury : | Président / Présidente : Sylvain Venayre |
Examinateurs / Examinatrices : François Hourmant | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Marie-Anne Matard-Bonucci, Chantal Metzger |
Mots clés
Résumé
Dans la lignée des travaux de l'historien allemand Peter Reichel sur la notion de fascination totalitaire et du mouvement historique initié en France par Fred Kupferman, François Hourmant ou encore Sophie Cœuré autour du voyage des intellectuels en Union soviétique dans les années 1930, cette thèse a pour objectif de dénouer les rouages du voyage en terre nazie, de l'accession d'Adolf Hitler à la chancellerie jusqu'à la déclaration du second conflit mondial. Thématique délaissée par l'historiographie du national-socialisme préférant voir dans le voyage une évidence anecdotique relevant des nécessités diplomatiques, elle s'impose cependant à l'historien devant la masse d'archives léguées. Engluée et limitée jusque-là dans la représentation classique d'un Brasillach devant la « cathédrale de lumière » de Nuremberg ou du sort des délégations étrangères aux Jeux olympiques de Berlin 1936, la pratique du voyage ne peut se résumer à une vision archétypale voulant que seul le « fasciste en formation » ne parcoure un IIIème Reich réduit à quelques points névralgiques. A partir de sources issues du Ministère des Affaires étrangères, de périodiques, de récits de voyages et d'ouvrages rétrospectifs (mémoires, correspondances, écrits privés), ce travail s'articule autour de trois axes allant de l'intérêt de l'étude du déplacement dans la compréhension d'un phénomène totalitaire, aux temps du voyage (accueil, séjour sur place, réception du voyage) tout en analysant le rôle du voyage et son degré d'implication dans la formation d'une bienveillance personnelle ou d'un rejet du totalitarisme. Un des intérêts fondamentaux de l'étude du voyage en Allemagne hitlérienne réside dans les motivations préalables conduisant au déplacement. Le voyage est avant tout objet d'histoire vécu et perçu par ceux qui l'entreprennent. Cette conscience du « moment d'histoire » entrepris amène à étudier les motivations structurelles du voyage (intérêt pour la modernité politique, déconstruction de son propre modèle national, naissance d'une diplomatie parallèle) comme existentielles (inspiration morale, dépassement de la frontière de la germanité), tout en mettant en avant l'étonnante diversité des voyageurs (origine géographique, culturelle et sociale), signe de l'attraction magnétique du national-socialisme au-delà des frontières (insertion dans le débat de la place de la spécificité nationale dans le cadre d'un minimum fasciste). Préalable indispensable à toute compréhension du phénomène, les temps du voyage permettent d'éclairer la construction d'une véritable politique nazie à l'égard du voyageur étranger d'une part, de souligner la prégnance des réseaux et contacts d'autre part. L'étude du temps sur place sera orientée autour de l'impression de l'accessible rencontrée par les voyageurs. Le temps du retour d' « Hitlérie », fait d'une variété de la forme et de l'usage, permettra de mettre en avant l'obligation naturelle, morale - voire politique - de relayer les impressions de la « chose vue ». Enfin, le voyage comme maçon d'une nouvelle image de l'Allemagne dans les mentalités collectives étrangères viendra clore ce travail. La construction de l'image totalitaire semble aller de pair avec une tentative de rationalisation de l'aveuglement rencontré quand, pour d'autres, le voyage est un mécanisme de résistance. La place du voyageur face à la question juive devient également nécessité. D'une tribune offerte à l'antisémitisme aux premiers actes de dénonciation, le voyage devient un outil de la pensée intellectuelle. La conscience d'un totalitarisme naissant fait du voyageur un homme éclairé, noyé dans la masse de la dérive fasciste transnationale ayant fait ses armes idéologiques dans le Reich.