Thèse soutenue

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Auteur / Autrice : Viviana Silvia Piciulo
Direction : Cristiana FacchiniPierre Antoine Fabre
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire et civilisations
Date : Soutenance en 2014
Etablissement(s) : Paris, EHESS en cotutelle avec Università degli studi (Bologne, Italie)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherches historiques (Paris, France)
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Franco Motta, Antonella Romano

Résumé

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Comme beaucoup le savent, Joaquin Camaño fut un jésuite riojain originaire de la Province du Paraguay qui vécu la majeure partie de sa vie en exil en Italie. Son travail et sa renommée peuvent être considérés comme mineurs par rapport à beaucoup d'autres jésuites mémorables de la fin du XVIIIe siècle. C'est justement ce rôle secondaire qui m'a permis d'entrer dans le réseau social des exilés américains sans être distraite par la beauté de sa plume, ni par sa constante production textuelle. Camaño a en quelque sorte constitué dans ma recherche le ''trou de la serrure'', ou plus précisément le ''fil rouge'' me permettant de rassembler certaines informations capitales sur le tissu socioculturel du réseau construit en Italie par les exilés et resté actif pendant plus de 30 ans entre le Rio de la Plata et l'Italie. Je sais ne pas faire d'erreur en affirmant que Camaño fut tout au long de sa vie un grand « collaborateur ». Collaborateur de L Hervas y Panduro, Francisco Iturri, Gaspar Juárez, José Jolis, Filippo L. Gigli, Domingo Muriel, Diego Villafañe, Josep Cardiel et bien d'autres encore. De toute sa collaboration, la plus significative a été constituée par le matériel fourni à Hervas y Panduro pour « l'Idea dell'Universo1 », et pour le ''Catálogo de las lenguas conocidas2'', etc3. Plongé dans ses collaborations, Camaño est obsessionnel, critique, méticuleux, il prend des décisions, rejette d'éventuels collaborateurs, en suggère d'autres, et donne vie à un réseau social diffus parmi les différentes villes italiennes de l'époque. Il crée ainsi un réseau dynamique qui, aujourd'hui encore, surprend pour son efficacité et sa continuité. Pour Hervas, il recherche des contacts, des adresses, copie des grammaires, traduit les langues d'Amérique, produit des synthèses grammaticales en italien, des dictionnaires, etc. ; tous les travaux faits pour enrichir la grande Encyclopédie Catholique du Conquense qu’avait pour dessein de moderniser les connaissances scientifiques de l'époque sur la base des saintes écritures. La plupart des collaborateurs experts du ''Catalogue des langues connues'' étaient d'étranges personnages dans un siècle particulier, qui vivaient dans de petites villes d'Emilie-Romagne (Ferrare, Bologne, Faenza, Forli, Imola, Ravenne, Cesena, Savignano sul Rubicone, Rimini, Castel Bolognese), de Ligurie (Gênes), du Latium (Rome), d'Ombrie, des Marches, etc. C'était des immigrés illustres, obligés par le devoir de solidarité envers leurs confrères dans la foi, des amis, compagnons d'études ou encore des proches. Ce réseau de relations au cœur du nouvel espace de migration mérite d'être approfondi, car il constitue l'une des clés permettant de comprendre la situation socioculturelle des jésuites en exil et la façon dont certains d'entre eux ''renouvellent leur rôle social'' sans jamais perdre le sens d'attachement à la Compagnie. Les jésuites américains commencèrent surtout, durant l'exil, leur production écrite dite d'information, et ce après 1773, constituant de vrai moteurs pour les travaux d'impression dans les zones où ils se concentraient physiquement. Ils se révèlent également être les héros d'un véritable ''âge de l'information avec ses médias''. Les jésuites sont partie intégrante de ce système de communication, qui canalisait les informations : en suivant leur action, on entre en communication avec un autre XVIIIème. On retrouve des jésuites pratiquement dans chaque branche de la science, fondamentalement en anthropologie, histoire, linguistique, théologie, et glottologie comme dans le cas de J. Camaño. L'étude des jésuites en exil démontre que ces derniers sont quelques uns des principaux acteurs des premières années de « l'âge de l'information ». Evénement que l'on peut vérifier en suivant la correspondance de Camaño et de ses collaborateurs et amis répartis sur toute la péninsule italienne.