Auteur / Autrice : | Thomas Ader |
Direction : | Hélène Lyon-Caen, Jean-Philippe Avouac |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Géophysique |
Date : | Soutenance en 2013 |
Etablissement(s) : | Paris 7 |
Mots clés
Résumé
Terre de démesure et foyer de centaines de millions d'âmes, l'Himalaya est aussi le berceau d'une sismicité dont les pendants relèvent encore à ce jour d'une part de mystère. Ayant emporté dans leur fracas la vie de rois et réduit à l'état de ruines des cités millénaires, les séismes himalayens rythment les contes populaires népalais au diapason d'une morale fataliste selon laquelle rien n'est éternel. Sur le plan scientifique aussi bien qu'humain, percer les secrets de la sismicité himalayenne représente donc un défi de toute première importance. Par des mesures géodésiques de la déformation du sol népalais à l'aide de données GPS et de nivellement, nous montrons qu'à la différence d zones de subduction connues, le couplage sur la Main Himalayan Thrust fault, ou MHT, est dépourvu des zones de glissement qui traditionne opposent une barrière à la propagation des grands séismes. Les 20 mm par an de convergence estimés au travers de la chaîne étant comparables estimations déjà existantes de la déformation séculaire au pied de l'arc himalayen, le glissement accumulé sur la faille en profondeur doit bien se propager élastiquement jusqu'à la surface d'une manière ou d'une autre. Et pourtant, ni les grands séismes du passé, ni la microsismicité mesurée quotidiennement ne contrebalancent le gigantesque déficit de moment qui s'accumule sous les montagnes géantes. Ce déficit de moment non contrebalancé allié au couplage inhabituellement homogène sur la MHT amènent à se demander si la MHT pourrait rompre toute entière en une seule fois, générant un séisme gigantesque. Répondre à cette question de manière univoque exige des précisions sur les propriétés de faille de la MHT, et nous exploitons donc certaines des particularités de la sismicité himalayenne pour accroître notre compréhension de la mécanique des tremblements de terre himalayens. Chaque année, les plaines du Gange sont abreuvées d'un déluge de pluies pendant les quelques mois que dure la Mousson, à tel point que la masse d'eau accumulée est suffisante pour courber la plaque indienne, relâchant temporairement une petite partie des contraintes qui s'accumulent sur la MHT. A l'inverse, en hiver, alors que les eaux de pluie s'évaporent, la plaque indienne rebondit et la tension sur la faille s'accroît de nouveau. Coïncidence fortuite mais heureuse, les petites variations de contraintes induites par ce cycle hydrologique sont d'une amplitude comparable à celles générées par les marées terrestres. Mais alors que les séismes semblent voir leur distribution temporelle suivre les variations annuelles de chargement induites par h mousson, ils restent insensibles aux oscillations biquotidiennes des marées. Afin de faire le lien entre ces observations et les propriétés physiques de la MHT, nous étudions donc les réponses de la partie bloquée et de la partie en glissement de la MHT à des variations périodiques de contraintes. Dans un premier temps, la réponse de la zone en glissement est étudiée à travers des modèles patin-ressort obéissant aux lois rate-and-state, et nous montrons qu'à la transition avec la zone bloquée où la friction devient quasi-indépendante de la vitesse de glissement sur la faille, la réponse du taux de glissement peut être amplifiée à certaines périodes, dont les expressions analytiques peuvent être reliées aux paramètres physiques du problème. Ces prédictions présentent donc le potentiel de contraindre les propriétés de faille de la MHT, mais attendent toujours des observations pour pouvoir être appliquées, puisqu'à ce jour, aucune variation de la vitesse de glissement n'a pu être extraite des séries temporelles GPS. En ce qui concerne l'étude de la zone bloquée, les modèles patin-ressort s'avèrent incapables d'expliquer les réponses contrastées de la sismicité aux chargements périodiques de la mousson et des marées. Nous avons donc recours à des simulations numériques, tirant profit de l'algorithme Boundary Integral CYCLes of Earthquakes, et étudions la réponse d'une faille continue 2D contenant un patch rate-weakening lorsqu'elle est soumise à des perturbations harmoniques de contraintes à différentes périodes. Les résultats de ces simulations sont compatibles avec une amplification progressive de la sensibilité de la faille lorsque la période de la perturbation augmente, jusqu'à une période critique correspondant au temps caractéristique de l'évolution de la réponse indicielle de la sismicité. Cette augmentation de la sensibilité n'est pas reproduite par les systèmes 1D patin-ressort, probablement en raison de la complexité du processus de nucléation, reproduit seulement par des modèles 2D. Afm de décrire complètement le comportement d'une faille sismique en ternies des paramètres physiques du problème, une formulation analytique ou semi-analytique doit être mise au point et des travaux supplémentaires sont encore nécessaires. Une telle formulation fournirait les clés pour déduire les propriétés constitutives de la MHT des observations sismologiques.