Thermorégulation et Contrôle Bulbospinal de la Nociception
Auteur / Autrice : | Nabil El Bitar |
Direction : | Daniel Le Bars |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Neurosciences |
Date : | Soutenance en 2013 |
Etablissement(s) : | Paris 6 |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
La queue et les pattes postérieures des rongeurs sont à la fois des organes cibles très utilisés pour effectuer des tests dans les modèles de douleur aiguë ou chronique et essentiels dans la thermorégulation. Ces tests doivent être conduits dans des conditions stables de thermoneutralité. On observe dans ces conditions des fluctuations cycliques de la vasomotricité des pattes et de la queue. Quand, au cours d’un cycle, la température centrale est suffisamment basse, une activation sympathique est déclenchée, ce qui conduit à une augmentation de la pression artérielle, immédiatement suivie par une augmentation de la fréquence cardiaque et une vasoconstriction de la queue et des pattes postérieures. Il en résulte une diminution de la déperdition de chaleur et une augmentation de la température centrale. Cette augmentation se poursuit jusqu’au moment où la température centrale est suffisamment élevée pour déclencher le phénomène inverse, ce qui boucle le cycle, réitéré 3 à 7 fois par heure. La température cutanée de la queue et des pattes est donc soumise à des variations cycliques importantes, susceptibles d’influencer les tests nociceptifs thermiques comme le « tail-flick » - un des plus utilisés pour étudier la douleur expérimentale -, dont la latence présente des variations cycliques en opposition de phase à la température cutanée. Les conditions les plus neutres sur le plan homéostatique sont donc caractérisées par de grandes variations de variables susceptibles d’influencer les mesures de douleur expérimentale. Les structures cérébrales qui contrôlent la thermorégulation et la transmission spinale des messages nociceptifs sont très intimement liées sur le plan anatomique, en particulier en ce qui concerne les voies effectrices descendantes, issues de la région bulbaire rostroventrale (RVM). Un blocage fonctionnel de cette région cérébrale entraîne une vasodilatation des pattes et de la queue et une augmentation de leur température cutanée, elle-même à l’origine de la réduction de la latence du « tail-flick ». Ce résultat a été considéré comme le reflet de l’effet hyperalgésique du blocage, mais n’est en réalité qu’un biais secondaire à la variation de la température cutanée, du moins en grande partie. Par ailleurs, la délimitation anatomique précise de la région impliquée dans la vasomotricité correspond très exactement à celle qui contient les neurones dits « on » et « off », respectivement activés et inhibés par stimulation nociceptive, dont on a fait le pivot du contrôle de la transmission spinale des messages nociceptifs. Nous avons enregistré ces cellules dans des conditions de thermoneutralité. Quand la limite inférieure de température centrale d’un cycle est atteinte, la cellule « on » est inhibée puis la cellule « off » activée, de façon concomitante à une augmentation de pression artérielle et de fréquence cardiaque. La vasoconstriction de la queue suit invariablement dans les 3 minutes, souvent complétée par une vasoconstriction des pattes postérieures. Il en résulte une diminution de la déperdition thermique et une augmentation de la température centrale. Lorsque l'augmentation de la température centrale atteint quelques dixièmes de degrés, les variations inverses se produisent, bouclant le cycle, lui-même réitéré 3 à 7 fois par heure. Les activités des cellules « on » et « off » sont donc corrélées à l’inhibition et à l’activation du système sympathique, respectivement. L’ordre chronologique des variations est le suivant : température centrale → cellule « on » → cellule « off » ~ pression artérielle → fréquence cardiaque → température cutanée → température centrale. La morphine (6 mg/Kg, i. V. ) déclenche bien le blocage de l’activité des cellules « on » et une forte activation des cellules « off ». Mais ces effets sont accompagnés d’une activation sympathique caractérisée par la vasoconstriction de la queue et des pattes postérieures, l’augmentation de la température centrale et l’amortissement de la variabilité des paramètres cardiovasculaires. Ces effets sont renversés par la naloxone et contrecarrés par le blocage fonctionnel de la RVM. Les effets de la morphine sur certains tests nociceptifs ne peuvent être (ou pas seulement) interprêtés en temes « d’analgésie ». Les interactions entre thermorégulation et nociception s’exercent sur deux fronts, central et périphérique. Sur le front périphérique, plusieurs éléments sont à prendre en compte, qui sont des sources importantes de variation pour les « tests de douleur ». Sur le front central, la nociception et la thermorégulation sont contrôlées par des mécanismes qui cohabitent dans la RVM, origine des voies finales qui déterminent la température des organes cibles des tests de nociception. Le rôle des cellules « on » et « off » doit être réexaminé dans un cadre plus vaste incluant le système nerveux végétatif