Thèse soutenue

"Marotte du temps, fabrique de controverse !" : l'écriture satirique et polémique dans les oeuvres en prose d'Alfred de Musset : formes et genres
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Auteur / Autrice : Samy Coppola
Direction : Marie-Hélène ServetSylvain Ledda
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Littératures française et francophone
Date : Soutenance le 11/09/2013
Etablissement(s) : Lyon 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon)
Jury : Président / Présidente : Franck Lestringant
Examinateurs / Examinatrices : Jérôme Thélot
Rapporteurs / Rapporteuses : Henri Scepi, Denis-M. Philippe

Résumé

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Alfred de Musset polémiste ? Le sujet a de quoi étonner quiconque connaît un tant soit peu l’oeuvre du poète, qui n’a cessé de revendiquer son indépendance à l’égard des partis et son refus d’être « pamphlétaire » ou d’endosser la posture hugolienne de « l’homme du siècle et de ses passions », ou quiconque s’en tient à l’image stéréotypée de « poète léger » et de citoyen indigne longtemps véhiculée par ses détracteurs et les manuels scolaires. Et pourtant, une bonne partie de son oeuvre, poésie, théâtre et prose, fait le procès de son époque, fustige les nouveaux dogmes et les clichés du siècle, et retrouve la tradition de la satire classique.La posture de retrait qu’adopte Musset à l’égard des écoles ennemies, néoclassiques et romantiques, est plus largement une posture polémique, et en même temps Musset opte là aussi pour l’écart : il polémique tout en niant polémiquer. Cette dimension agonistique apparaît particulièrement dans les OEuvres en prose de Musset, et notamment dans ses articles critiques et ses chroniques journalistiques, mais elle parcourt aussi, à la façon d’éclairs fugaces et incandescents, ses romans (La Confession d’un enfant du siècle est aussi condamnation du siècle), tandis que ses Nouvelles et ses Contes retrouvent les chemins de la satire classique.La présente étude se propose d’interroger les liens qui unissent, chez Musset, polémicité et généricité. Elle opte pour une approche stylistique de l’oeuvre, une oeuvre riche en formes et en genres dont l’analyse est inséparable de la prise en compte du contexte de leur production (la monarchie de Juillet et la « bataille romantique ») comme de celle du support journalistique qui les accueille : les Mélanges de littérature et de critique comptent des formes et des genres où Musset se fait écrivain journaliste malgré son aversion pour la presse. Musset retravaille ces formes et ces genres au gré des polémiques qu’il y insère, et réciproquement adapte les formes du polémique, le degré même de polémicité, au genre investi. Il refuse de se faire âpre polémiste mais recourt à divers procédés et intertextes propres aux registres polémique et satirique. Il polémique paradoxalement contre les polémiques et opte pour un éthos de « dandy bouffon », volontiers railleur et désinvolte, pariant sur la connivence avec le lecteur, et méfiant envers la violence du langage des formes polémiques contemporaines.Maître ironiste, habile à subvertir les genres de l’intérieur par une fictionnalisation des formes journalistiques et par la polémisation de genres a priori non polémiques, à réfuter les contre-discours aussi bien au moyen de la parodie et du pastiche qu’à celui d’une rhétorique subtile de réfutation, Musset laisse cependant entendre derrière la dérision une voix ambigüe, désenchantée et duelle, où l’énoncé s’en prend à l’énonciation au point de brouiller parfois la lisibilité de la polémique, dans une logique d’ironie « dix-neuvièmiste ». En définitive, le polémique mussétien s’attaque au « prêt à penser » de son époque, mais se retourne bien souvent aussi contre le Moi, cet « enfant du siècle », dans la logique d’une ironie romantique.