Thèse soutenue

L'entreprise idéale entre usine et communauté : une biographie intellectuelle d'Adriano Olivetti

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Auteur / Autrice : Marco Maffioletti
Direction : Enzo NeppiFabio Levi
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Langues étrangères appliquées
Date : Soutenance le 14/11/2013
Etablissement(s) : Grenoble en cotutelle avec Università degli studi (Turin, Italie)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale langues, littératures et sciences humaines (Grenoble, Isère, France ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Groupe d'études et de recherches sur la culture italienne (Grenoble ; 1991-2015)
Jury : Président / Présidente : Éric Vial
Examinateurs / Examinatrices : Fabio Levi
Rapporteur / Rapporteuse : Pietro Causarano

Résumé

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Entrepreneur, urbaniste, homme politique, éditeur et intellectuel italien, Adriano Olivetti (1901-1960) a proposé une lecture singulière de la modernité et a démontré qu'une voie alternative, complexe et désintéressée vers le bien collectif était praticable. S'appuyant sur des recherches peu connues, sur la consultation de la bibliothèque d'Olivetti et des fonds d'archives auparavant peu exploités, cette biographie intellectuelle reconstruit les parcours qu'Adriano Olivetti a tracé à travers son territoire, sa famille, l'organisation scientifique du travail, l'urbanisme, l'antifascisme, l'activité entrepreneuriale et la politique, permettant ainsi une interprétation globale et fondée historiquement de cet homme et de sa pensée. Adriano Olivetti est né à Ivrée, dans le Canavais. Entre Aoste et Turin, cette petite ville était peu industrialisée au début du XXème siècle, lorsque son père Camillo y a fondé une entreprise de machines à écrire. Etudiant en ingénierie, Adriano soutenait les principes de l'autonomie et du socialisme fédéraliste avant de se concentrer sur l'organisation scientifique du travail observée aux Etats-Unis. Au début des années 30 il a pris la direction de l'entreprise où il a inauguré une gestion rationnelle d'une production désormais de masse. Olivetti a ainsi observé que la modernisation de l'industrie, conçue comme le seul moyen pour généraliser le bien-être, créait de graves problèmes sociaux et urbanistiques. Ainsi, lorsque l'entreprise grandissait et conquérait les marchés internationaux, il a coordonné un plan urbanistique du Val d'Aoste. Antifasciste, il a conspiré avec les Alliés et a contribué à la chute de Mussolini. Pendant son exile en Suisse il a élaboré un plan de réforme des institutions italiennes qui aurait mis au centre de la chose publique les territoires, les «Communautés» qui auraient permis aux citoyens de participer de façon immédiate à la gestion de la vie politique, économique, urbanistique et sociale. Après son retour en Italie, en 1945 Olivetti a décidé de se consacrer à la politique et s'est inscrit au Parti Socialiste. Déçu par la partitocratie, il est rentré à Ivrée et a mis l'entreprise sur une voie où se rencontraient la préoccupation pour le bien-être matériel et spirituel des travailleurs, l'esthétique, la recherche technologique et le succès au niveau global. Entre 1946 et 1948 Olivetti a fondé la revue «Comunità», la maison d'édition Edizioni di Comunità et le Mouvement Comunità, qui dans les années 50 avait administré plusieurs communes du Canaveis et du Sud d'Italie par des pratiques de gestion du territoire inspirées par la rationalité scientifique à la base du dessein d'Olivetti. Un projet qui vers la fin des années 50 a dû se heurter à un insuccès double : celui du Mouvement, qui n'obtenait pas de consensus en dehors du Canaveis, et celui de l'entreprise, où l'alliance de succès et de redistribution des profits gênait les capitalistes italiens qui s'opposaient aux principes socialistes, keynésiens et fordistes d'Olivetti. Qui est mort en 1960, avant de terminer ses projets réformistes. Cette recherche reconstruit le contexte historique-culturel où Adriano Olivetti a développé et appliqué une conception innovante de la gestion de l'entreprise, de la culture et de la société, dont le centre était la personne et sa Communauté. Tout en évitant d'actualiser cet entrepreneur «modèle», cette thèse considère qu'Olivetti peut donner des réponses alternatives à des problématiques de la cohabitation sociale qui en Europe sont encore à l'ordre du jour, par son affirmation de la centralité du travail, de la valeur de la solidarité et de la liberté, par sa tension vers la juste reconnaissance de la personne au-delà des limites socio-économiques et vers des formes politiques qui prennent en compte la complexité sociale tout en permettant sa représentation dans les institutions.