Thèse soutenue

Etho-Psychiatrie : du modèle animal à l'animal modèle : identification d'un modèle primate non-humain "spontané" de symptômes dépressifs

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Auteur / Autrice : Sandrine Camus
Direction : Erwan Bézard
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences, technologie, santé. Neurosciences
Date : Soutenance le 18/10/2013
Etablissement(s) : Bordeaux 2
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la vie et de la santé (Talence, Gironde ; 1993-....)
Jury : Président / Présidente : Bruno Aouizerate
Examinateurs / Examinatrices : Erwan Bézard, Martine Hausberger
Rapporteurs / Rapporteuses : Bernard Thierry, Jean-Louis Nahon

Résumé

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Plus de 150 millions de personnes souffrent de troubles dépressifs à travers le monde. Malgré le nombre croissant d’études s’intéressant à la physiopathologie de ce trouble, aucune amélioration majeure concernant ses traitements ou la compréhension des mécanismes biologiques sous-jacents n’a été faite. Bien qu’une prédisposition génétique et des évènements stressants aient été proposés comme facteurs de risque, ni les gènes impliqués ni le fonctionnement des interactions gène x environnement ne sont encore connus. Cela peut s’expliquer par le manque de modèles animaux satisfaisants et par le fossé existant entre les connaissances / méthodes de diagnostic appliquées en recherche clinique et celles disponibles en recherche fondamentale. Des manipulations pharmacologiques, lésionnelles, génétiques ou de l’environnement sont quasi exclusivement utilisées chez le rongeur. Certains primates non-humains (PNH), plus proches de nous sur les plans comportementaux et phylogénétiques, montrent pourtant, comme l’Homme, des modifications comportementales et physiologiques atypiques et spontanées en réponse à des conditions de vie stressantes. Malgré les travaux pionniers et prometteurs d’Harlow et de ses collaborateurs dans les années 60, rares sont les équipes qui étudient la dépression chez le macaque aujourd’hui. Nous avons émis l’hypothèse que parmi des grandes populations de PNH captifs, une petite proportion d’individus exprime des comportements atypiques pouvant s’apparenter à des symptômes dépressifs. Mon projet de thèse a eu pour but de proposer une approche novatrice et non invasive d’identification de ces profils « depressive-like » chez le macaque, en combinant les compétences et connaissances de l’éthologie, de la psychiatrie et des neurosciences. L’impact des expériences de vie précoces et de l’espèce a également été abordé. Les comportements, les postures et orientations du corps, les localisations spatiales, les regards et/ou les distances inter-individuelles ont été relevés chez plus de 200 macaques rhésus et cynomolgus d’élevage, nés en captivité ou dans la nature. Des sous-groupes d’individus ont été identifiés à l’aide d’analyses multifactorielles. Dans chaque population observée, un profil « depressive-like » a été mis en évidence par comparaison avec les symptômes décrits dans le Manuel Diagnostique et Statistiques des Troubles Mentaux et avec les modèles animaux existants dans la littérature. La prévalence de ces profils étant supérieure chez les macaques rhésus et chez les animaux nés en captivité, nos résultats concordent avec le rôle suggéré du stress dans l’expression des troubles dépressifs. En plus d’exprimer ce profil comportemental atypique dans leur environnement habituel, les singes « depressive-like » présentaient une réactivité émotionnelle altérée au cours 2 tests comportementaux, associée à des taux élevés de cortisol plasmatique et noradrénaline cérébro-spinale. Pris dans leur ensemble, ces résultats prometteurs confèrent une bonne validité de représentation à notre modèle macaque de symptômes dépressifs. Une caractérisation plus complète de ce modèle est bien sûr nécessaire et pourrait ouvrir de nouvelles perspectives quant à la compréhension de l’étiologie et de la physiopathologie des troubles dépressifs.