Thèse soutenue

Donner la parole aux autochtones : Quel est le potentiel de reconnaissance de l'exposition à plusieurs points de vue dans les musées ?
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Auteur / Autrice : Virginie Soulier
Direction : Daniel JacobiAnik Meunier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Communication
Date : Soutenance le 28/06/2013
Etablissement(s) : Avignon en cotutelle avec Université du Québec à Montréal. Département des communications
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale 537 « Culture et patrimoine » (Avignon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre Norbert Elias
Jury : Président / Présidente : Serge Chaumier
Examinateurs / Examinatrices : Lucie K. Morisset
Rapporteurs / Rapporteuses : Michèle Gellereau, Manon Niquette

Résumé

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Depuis la fin des années 1980, les collaborations avec les communautés autochtones semblent s’accroître dans les musées canadiens. Un déplacement apparaît de la prise de parole en contexte de revendication au don de parole en contexte muséal. Après la remise en cause des musées ethnologiques, la prise en charge de la parole autochtone annonce le temps de la reconnaissance. Seulement, le mot reconnaissance est employé dans des contextes variés en muséologie. Ses occurrences indiquent plusieurs sens, dérivés de la volonté de redonner dignité et respect aux peuples autochtones et de produire des expositions qui présentent leur patrimoine d’origine à la lumière de leurs points de vue. Selon une approche communicationnelle, notre travail a porté sur les pratiques des musées qui consistent à donner la parole aux peuples autochtones et à l’exposer. Le travail a été centré sur la combinaison des points de vue autochtones avec ceux des concepteurs-muséographes. L’entreprise de la recherche a visé à cerner les opérations induites et générées par cette situation d’entrecroisements de points de vue, plus ou moins discordants, qui doivent, d’une manière ou d’une autre, s’unir dans un même espace communicationnel. Le système polyphonique de l’exposition est conceptualisé en trois moments de médiation : la prise en compte, la monstration et l’interprétation des points de vue autochtones. Ils correspondent aux intentions des concepteurs-muséographes et des expositions, puis à la manière dont elles sont interprétées par les visiteurs. Nous avons réalisé quatre enquêtes de terrain dans onze musées à travers le Canada : observation participante ; entretiens individuels auprès de professionnels des musées ; analyse de discours ; entretiens de groupes auprès de visiteurs autochtones et allochtones. Nous avons examiné les pratiques collaboratives et croisé ces quatre formes de discours des musées afin de mettre à l’épreuve le potentiel de reconnaissance des expositions qui tiennent compte des points de vue des représentants autochtones. Il résulte que la patrimonialisation est conçue en tant que processus de reconnaissance. De plus, l’intensification de la patrimonialisation des objets autochtones est synchronique de l’expansion coloniale. Néanmoins, l’analyse de la prise de distance du concepteur-muséographe vis-à-vis de son point de vue et de celui des autochtones rend compte des relations complexes entre le don de parole, l’autorité de discours et l’auctorialité. Malgré les divergences entre les intentions explicitées par les professionnels et leurs intentions implicites dans les expositions, les discours des visiteurs autochtones et allochtones traduisent un contrat de reconnaissance entre le musée et les visiteurs. Ainsi, le principe polyphonique et ses formes de reconnaissance sont mis en évidence dans les espaces de production et de réception des expositions produites en collaboration. Notre recherche révèle plusieurs modalités de reconnaissance manifestes dans la combinaison et l’entrecroisement des voix autochtones avec celles des praticiens. Cet essai d’interprétation met au jour des conflits d’ordre patrimonial et socio-historique qui engendrent des mécanismes de régulation par assimilation/accommodation. Il décrit deux logiques fondamentales relatives à l’identité et à la mémoire. De ces adaptations mises en œuvre par les musées ressort un phénomène permanent de reconnaissance amorcé depuis la colonisation des territoires autochtones. La recherche suggère finalement d’envisager le musée comme lieu de reconnaissance non seulement du patrimoine, mais aussi des publics et des peuples donateurs et donataires du patrimoine.